Par K. Eckartshausen ♦
Extrait des Oeuvres complètes du Baron de Stassart, Paris, 1855, p. 224.
Hommes, mes semblables, qu’elle est grande, qu’elle est noble notre destinée ! Ne nous trouvons-nous pas au sommet de la chaîne des êtres créés dans ce monde matériel ? Nous tenons le milieu, pour ainsi dire, entre les anges et les animaux. Notre âme nous élève, par le sentiment et par la raison, à la classe des esprits, quoique la masse pesante de nos corps nous retienne ici-bas. Les facultés dont nous possédons le germe sont infinies ; il en est de même aussi de nos moyens pour arriver à une plus haute destinée, à la perfection, à la ressemblance avec la Divinité. Nous ne sommes ici-bas que des voyageurs : tout nous l’annonce, et celui qui sait quel but il doit atteindre n’aime pas à voir prolonger inutilement le voyage : en suivant le chemin tracé par la Providence, il s’empresse de mériter l’autre vie ; il attend le signal de l’Éternel pour son départ.
Nous appartenons à la classe des animaux par notre corps, mais par notre âme nous sommes associés aux esprits immortels. La sensualité, la corruption, voilà le partage de notre dépouille extérieure ; mais notre esprit doit jouir de la liberté, de l’immortalité. Plus l’homme s’attache aux choses matérielles, et plus il se rapproche de la brute ; plus au contraire il recherche les choses spirituelles, et plus il s’assimile aux anges. On peut dire, par conséquent, qu’il existe mille et mille degrés depuis la créature la plus chétive jusqu’à la plus parfaite, depuis l’homme animal jusqu’à l’homme esprit, depuis le chaînon qui nous sépare des brutes jusqu’à celui qui nous sépare des anges.
Avancement progressif vers la perfection, tel est le bien, le vrai bien, le seul but de notre destinée : la religion révélée nous l’apprend. Être vertueux, c’est vouloir ressembler à la Divinité, c’est vouloir se rapprocher de la vocation de l’espèce humaine, faire un pas vers ce qu’on peut appeler l’union intime de la créature et du Créateur.
L’amour le plus pur et le plus parfait, c’est Dieu ; sa plus grande félicité consiste dans un amour constamment actif ; ses commandements sont amour, et notre vocation n’est autre chose qu’amour.
Aimez-moi, aimez-vous les uns les autres, voilà son principal commandement. Si nous l’observions avec soin et dans toute son étendue, quelle félicité régnerait sur la terre ! Les fureurs de la discorde détruisent en nous les liens de paix et d’amour. Que tous les hommes s’aiment entre eux, et le bonheur devient leur partage ; mais, loin de s’aimer, ils se détestent, ils foulent aux pieds les sentiments d’amour qui devraient leur être naturels, ils s’entre-déchirent comme des animaux carnassiers ; à quoi bon cependant nous étendre davantage sur un semblable sujet ? Ah ! combien est borné le nombre de ceux qui comprennent le langage de l’amour ! et ces êtres privilégiés n’ont pas besoin du secours d’un faible mortel pour concevoir ces maximes que leur inspire la Divinité. […]