Les Secrets de la chevalerie -Victor-Emile Michelet
Extrait de : Victor-Émile Michelet, poète ésotérique, par Richard-E. Knowles, Vrin 1953).
Michelet publiera en octobre 1928, un petit livre : Le Secret de la Chevalerie, édité chez Bosse. Le 14 avril 1928 […]
Avec ce livre curieux, Michelet apparaît dans un genre nouveau ; celui d’historien. Il avait fait beaucoup d’étude sur l’Ésotérisme Chrétien du Moyen Âge, les Cathares et les Templiers.
Michelet, partant de la Chevalerie Historique et légendaire, examine et discute quelques symboles ésotériques de la tradition occidentale, symboles qui ont été transmis de la Perse jusqu’à l’Égypte, et de la Grèce jusqu’à la Bretagne et l’Angleterre. Il critique l’habitude de considérer le Chevalier comme étant une créature, un phénomène du Moyen Âge. N’a-t-il pas existé de tout temps, dans toutes les nations nobles : Thésée, Sohrab, Achille, doivent être considérés comme des chevaliers au même titre que le Roi Arthur et Galahad…
Le cavalier des Gaules est instruit dans le Sanctuaire Druidique. Achille est initié par le Centaure Chiron, et partout ce sont les mêmes épreuves pour conquérir le même titre. Il n’y a pas de chevalerie véritable qui ne s’astreigne aux disciplines initiatiques. Une filiation secrète relie la Table Ronde (où s’est cristallisée la Tradition Celtique et la Queste du Graal). A l’Ordre historique des Templiers. Par la même, l’esprit celtique se rattache étroitement au courant johannite et au manichéisme qui anima également l’Albigéisme et qu’on retrouve chez les Rose-Croix.
Le « Secret » hante les Cycles de la Chevalerie Militante et tous ses ordres légendaires et historiques, ce « secret » dont vivait chaque ordre. L’Ordre de Chevalerie Idéal préfigure l’Ordre de Chevalerie réalisé. De même que le Thème de l’Épreuve Chevaleresque, illustré par les romans de Chevalerie, se retrouve dans le Ramayana et dans le Shad-Manach de Firedousi, de même l’Ordre des Templiers, né dans la Croisade, complète, à un demi-siècle de distance, l’ordre musulman des Assacis, du Vieux de la Montagne. Assacis et Templiers sont également les gardiens de la
Symbolique Terre sainte, et l’on voit bien que les Chevaliers d’Occident sont allés simplement retrouver en Syrie et en Palestine une Initiation à laquelle l’Occident avait lui-même participé.
La Société médiévale, comme la société antique, est construite sur la connaissance initiatique. Du haut en bas de la hiérarchie solide, elle aspire un souffle venu d’une crypte cachée (le monde n’est stable que par le « secret » dit le Zohar). « Toute chevalerie, toute corporation, toute cité, présente sa personnalité symboliquement formulée dans son blason, établi sur un calcul astrologique. » Aussi bien Gérard de Nerval a-t-il eu raison de dire que le Blason est la Clef de l’Histoire de France. « Si les Assacis, plus éloignés de nous… touchent moins notre mémoire que les Templiers, en revanche, ils pèsent sur nos imaginations de tout le poids de leur auréole sanglante et de leurs secrets ensevelis. L’histoire a-t-elle connu un personnage plus impénétrable que leur premier grand maître, le Vieux de la Montagne, cet Hassan Sabah, qui, durant ses trente-cinq années de règne, avait agi sur les destins d’une partie du monde sans quitter une seule fois son château d’Alamont, n’étant sorti que deux fois de sa chambre pour aller sur sa terrasse. L’Ordre musulman des Chevaliers Ismaéliens, dits assacis, et l’ordre chrétien des chevaliers Johannites du Temple, sont constitués exactement sur le même modèle, et cela, non parce que le second, créé après le premier, imite son prédécesseur, mais parce que l’un et l’autre sont construits sur les mêmes doctrines secrètes ; sur un ésotérisme unique et invariable qui sourd à travers le monde sous des voiles différents, comme la lumière unique à travers le prisme se décompose en rayons multicolores… (p.50-51)
Les renseignements que possède Michelet sur le Vieux de la Montagne, et l’intérêt qu’il lui porte, sont sans doute dûs à Villiers. Dans une note, il révèle que : « Villiers de l’Isle-Adam se proposait d’écrire une œuvre sur le Vieux de la Montagne » :
Il possédait à fond le sujet, dont il m’entretint plusieurs fois en d’éclatantes causeries, malheureusement oubliées. Il me montra même une malle pleine, disait-il, de documents concernant sa maison, dont certains avaient trait à l’Ordre des Hospitaliers et que son ancêtre Philippe de Villiers de l’Isle-Adam, Grand-Maître, établit à Malte en 1530, après qu’il eût dû céder Rhodes aux Turcs sept ans auparavant. « Ma maison, affirmait Villiers, est une des plus anciennes de France, c’est-à-dire du monde.» Et c’était vrai.