Par Josselyne Chourry ♦
Extrait de l’ouvrage Kabbale et Connaissance.
Introduction :
« La kabbale, système métaphysique d’origine juive (mais certainement aussi compilation d’une connaissance plus antérieure), traite des relations de l’homme avec la cause initiale ainsi qu’avec les puissances et les forces de l’univers. Elle enseigne certaines clefs concernant les forces naturelles par lesquelles l’homme peut apprendre à se connaître.
Ainsi les séphiroth, en tant qu’émanations, sont des champs énergétiques qui offrent à l’homme un terrain d’études privilégié pour travailler à son bien-être physique, psychique et spirituel. Chaque centre est relié à une partie du corps physique, correspondant lui-même à un centre analogue dans l’univers.
Cet essai n’a pas pour ambition d’ouvrir une étude spéculative de la kabbale, mais simplement d’offrir une vision plus pratique, où chacun pourra puiser dans la prise de conscience des différentes modalités de son être. L’étude de la kabbale et de l’Arbre de Vie est un système de méditation extraordinaire, et lorsqu’on a le privilège de pouvoir travailler avec des kabbalistes authentiques sur cet héritage fabuleux, on s’aperçoit rapidement que c’est une étude sans fin, qui ne livre ses secrets qu’en fonction de sa sincérité, de sa persévérance et de son évolution personnelle.
La kabbale nous rappelle aussi l’importance du Nom, donc l’importance de conceptualiser pour mieux conscientiser. Il s’agit de faire passer les maux dans les mots, d’analyser nos conflits, de voir en chaque séphirah une aide, pour que les représentations inconscientes se transmettent au conscient. La libre circulation des énergies entre notre petit moi et le grand Moi fera émerger les forces curatives depuis les profondeurs mêmes de l’inconscient. L’étude énergétique de chaque séphirah est un travail personnel à l’écoute du corps, mais nullement limitatif, permettant à chacun d’y apporter sa propre expérience.
Voici donc quelques premiers repères sur l’arbre séphirotique, agrémentés de considérations symboliques. En outre, je tiens à mentionner que ma compréhension de la kabbale s’est élargie en la mettant en parallèle avec d’autres traditions, car la Vérité s’exprime à travers de multiples sentiers.
[…]Présentation de la kabbale :
On rencontre plusieurs graphies pour ce mot :
– Cabale, qui vient de l’italien cabala, « trame, complot ». Far la cabala del lotto signifie « interpréter les bons numéros du loto ».
– Qabale, orthographiée ainsi par les écoles théurgiques.
– Kabbale ou Qabbale, qui vient de l’hébreu et est composée de deux racines : QaB, qui évoque un trou profond, un contenant, et BaL, qui évoque l’abondance, l’extension, la spiritualité.
QaB + BaL = le contenant de l’omniprésence divine
QiBeL est le verbe « recevoir » (racine QBL).
Qof-Beith-Lamed-Hé
QaBaLaH
En hébreu moderne, QaBaLaH signifie « réception, accueil » dans leur sens profane.
La kabbale est une voie ésotérique par laquelle s’expriment les vues les plus profondes de la mystique juive, elle-même héritière de sagesses beaucoup plus anciennes. D’abord perpétuée oralement, de maître à disciple, puis transcrite, codée et commentée dans certains ouvrages, la kabbale représente la chaîne de la transmission de la Tradition, tout en ayant développé un concept de réception : mais pour cela, il faut connaître les réceptacles – les SéPHiRoTH – et les 22 lettres de l’alphabet hébraïque – les ‘oTioTH.
[…]
La kabbale embrasse une vision immense de notre relation avec l’univers. Elle est le juste équilibre entre l’amour de la sagesse et la sagesse de l’amour. À consommer avec l’art du cœur et du savoir-aimer !
Les kabbalistes n’ont pas figé le monde, car longtemps avant nos physiciens, ils ont pensé que l’observateur influence l’observé. Cette nécessité de ne pas figer le monde implique une remise en question permanente, donc la recherche de sa propre vérité à travers ses propres expériences. La notion de Dieu chez les kabbalistes est celle de l’infini.
[…]Les séphiroth :
C’est dans la mise en défaut intellectuelle que le kabbaliste arrive à comprendre le fonctionnement des SéPHiRoTH. Les SéPHiRoTH sont un référentiel et nous apprennent que nous évoluons dans un gigantesque hologramme. Il y a un rythme dans la Création. De même, chaque lettre, chaque nom, a une vibration rythmique. C’est pourquoi le kabbaliste préfère travailler avec de grands nombres plutôt que les réduire.
SéPHiRoTH est le pluriel de SéPHiRaH, mot féminin qui signifie « numéro ». Ainsi, les SéPHiRoTH sont des numérotations. Avec l’arbre séphirotique, le kabbaliste conçoit l’univers sous la loi du nombre en structurant le temps et l’espace.
Petit clin d’œil de l’évolution du langage : en hébreu moderne, on nomme « séphiroth » les sillons labourés, ce qui n’est pas dénué de sens, puisque le tracteur, en creusant les sillons, prépare une structure qui donne naissance à de la nourriture, et dessine ses sillons en va et-vient comme des plis, à la manière du rideau du temple de Salomon. En effet, ce dernier était ainsi constitué : un vestibule suivi du Saint, lui-même suivi du Saint des Saints, séparé par un rideau épais, soit un tissu replié sur lui-même obligeant le prêtre à passer dans les plis de la tenture.
À l’époque de Moïse, l’Égypte est un lieu instable, et en quittant ce pays MiSRaïM (= « lieu limité, borné »), il va donner une structure aux Hébreux. Dans les versets 19, 20 et 21 du chapitre 14 du livre de l’Exode, une méthode de décryptage nommée TéMouRaH permet de mettre en exergue les 72 noms des anges de la kabbale ou puissances essentielles, tel un système de contrôle de l’espace et du temps.
Les Hébreux ont une responsabilité de bâtisseurs du temps parmi les peuples de la terre. Ce qui fit dire à Abraham Heschel : « Le judaïsme est la trace de Dieu dans la forêt vierge de l’oubli. »
Le PaRDèS RéMoNiM – le Jardin des grenades, une œuvre de Cordovero – a 72 chapitres ou 72 portes. Pour se mettre en phase, les 72 portes doivent coïncider sur 3 niveaux – moment d’ouverture et d’harmonie. L’intention de l’instant est plus importante que l’action de toute une vie. En cela la kabbale est amorale, au-delà des notions de bien et de mal. N’oublions pas que nous sommes incarnés dans un monde de manifestation, donc de dualité, où le mal dépend du bien et le bien dépend du mal. Nous ne considérons les actes que par comparaison. Il s’agit de trouver le canal central, la voie du milieu, l’équilibre. C’est donc bien l’intention qui compte dans une action, une attitude, une parole ou même une pensée : intention qui doit s’harmoniser avec l’instant présent, le moment instantané. C’est la pensée juste, la parole juste, l’acte juste. Alors nous sommes en phase.
La kabbale peut nous aider à chercher les moments d’ouverture de notre vie. Ce ne sont pas nécessairement de grands moments mystiques. Ainsi, si l’on arrive tout simplement à stabiliser les souvenirs heureux, on est en phase, et plus on est en phase, plus on s’ouvre. L’extase n’est pas une transe, c’est une sérénité, une équanimité en pleine conscience.
Les 22 lettres servent de communication avec les 10 SéPHiRoTH. Par un acte de restriction, de concentration, le TSiMTSouM, on va passer de ‘aïN (« rien ») à ‘aNi (« je »). On remarque que ‘aïN a créé un vide, une auto-limitation, une négation de lui-même. Alors le cercle s’ouvre et dépend du point central qui se concentre de plus en plus pour jaillir par l’ouverture en implosant.
De ‘aïN SoPH vers ‘aoR ‘aïN SoPH, qui sont Dieu successivement en infini puis en lumière, jaillissent 22 étincelles fondamentales, manifestées aux degrés inférieurs par 22 lettres. La phrase « Croissez et multipliez » fait allusion à ces étincelles, car avant, il y avait le Un – état primordial –, puis chaque étincelle éprouva le besoin de s’unir à une autre étincelle pour retrouver le Un. C’est la force d’attraction ou loi d’amour qui forme une nouvelle unité, qui, à son tour, éprouve le besoin de rencontrer une autre étincelle.
La combinaison des 22 lettres va constituer le Verbe de Dieu, et sous le nom de ‘éLoHiM, il va multiplier la Création en la structurant. Cela va permettre à la lumière infinie de passer à la lumière finie. Il faut des ralentisseurs pour freiner la lumière, soit 10 épaisseurs, 10 couches, 10 SéPHiRoTH. 10 est l’Unité manifestée à extension de vie permanente. Le schéma séphirotique est un prototype.
Dans le chapitre 1 du texte de la Genèse, Dieu parle 10 fois, et à chaque fois le monde se densifie de plus en plus. À la dixième fois le monde est créé. Le rôle des SéPHiRoTH est de faire passer l’infini inconnu au fini connu. Dans ce monde manifesté, les SéPHiRoTH expliquent que toute chose existe par son contraire. Toutes les oppositions permettent à la vie de s’équilibrer, ce que Léonard de Vinci énonce à sa manière : « Deux faiblesses qui s’appuient l’une à l’autre créent une force. Voilà pourquoi la moitié du monde, en s’appuyant contre l’autre moitié, se raffermit. »
En principe, le premier livre qui parle des SéPHiRoTH est le SéPHeR YeTSiRaH, mais le premier à en parler est, semble-t-il, Pythagore avec les 10 énanthioses (miroirs). L’univers énanthiomorphe évoque le reflet de la Tétraktys.
Les 10 séphiroth se structurent dans 4 mondes. Ceci dit, c’est un prototype auquel on n’a pas totalement accès, excepté par niveau, d’une manière intellectuelle au premier abord. Au début, la lumière infinie va rester dans des réceptacles.
[…]Les sons de voyelles :
D’un point de vue thérapeutique, la combinaison du souffle et des sons de voyelles produit des vibrations spécifiques qui améliorent la circulation de l’énergie et du sang.
Pour les kabbalistes, les cinq voyelles sont :
O – A – E – I – OU
O (holam) agit sur le diaphragme, l’ensemble du thorax, et tonifie le cœur.
A (qamats) agit sur l’œsophage, les lobes pulmonaires supérieurs et les trois côtes supérieures.
E (tséré) agit sur le larynx, la gorge, les cordes vocales et le bon fonctionnement de la thyroïde.
I (hiriq) vibrant vers le haut, agit vers le nez, la tête, et dissipe les migraines.
OU (qoubouts) agit sur l’abdomen, l’estomac, le foie, les intestins et les gonades.
Abraham Aboulafia a développé la méthode du TSéRouPH qui consiste à vocaliser les combinaisons de lettres sur une trame sonore de sons de voyelles. La pratique de base journalière consiste à travailler avec une lettre différente chaque fois, en suivant l’ordre de l’alphabet. Cette pratique permet au fil du temps un éveil progressif de la conscience par la méditation et la répétition de sons (à voix haute ou murmurés ou mentalement).
À noter qu’il existe des sons en Qi Gong pour dynamiser les énergies du corps selon les saisons, et que les Esséniens possédaient cet art à visée thérapeutique. Les mêmes intentions découlent par extension des mantras et des invocations en langues sacrées.
Dans toutes les langues, les voyelles animent (= donner une âme) les consonnes et apportent leur musique aux mots. […]
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