Par Dam-Rasul ♦
Extrait de la revue Pantacle 1997.
Augustin Chaboseau détenait son initiation martiniste selon une filiation remontant à Louis-Claude de Saint-Martin, en passant par l’abbé Delanouë. Ce dernier constitue donc un maillon important dans la chaîne des initiés martinistes. Pourtant, jusqu’à ce jour, personne ne s’est intéressé à ce personnage fort attachant.
Nous ne disposons à son sujet que du portrait qu’en brossait Augustin Chaboseau :
Cet ecclésiastique, à peine d’église, était un homme d’une culture encyclopédique, et lié avec tout ce qui, à la fin du XVIIIe siècle, comptait dans les lettres, les sciences, les arts, – et la politique. Mais la politique idéaliste. Lié, notamment avec Lenoir de la Roche, Saint-Martin, les frères Le Brun, les frères Chénier, les frères Trudaine, Condorcet… [1].
Intrigué depuis longtemps par ce personnage, nous nous sommes décidés à entreprendre des recherches sur cet abbé énigmatique. En voici les premiers éléments. L’abbé de La Noue, de son véritable nom Jacques Saulnier-Delanouë, est né le 8 mars 1747 à Tournus dans l’Ardèche. Sa famille compte plusieurs ecclésiastiques et hommes de loi. Son grand-père, Guillaume Saulnier-Delanouë, fut « juge mage » de l’Abbaye de Cluny, puis juge civil et criminel de l’Abbaye de Tournus. Son père, Antoine Gaspard Saulnier-Delanouë, qui habitait Tournus, était avocat au Parlement et bailli de Tournus. Sa mère, Claudine, s’appelait Colas par son nom de jeune fille. Le frère de Jacques, Robert, était avocat à Tournus, et son oncle paternel, Pierre Saulnier-Delanouë (†1772), était chanoine dans cette même ville. Contrairement à ce qui est dit quelquefois, l’abbé Delanouë n’est pas le frère d’un général, ni celui du poète Cordellier-Lanoue.
L’école de Navarre
Le 19 mars 1774, après des études à Chalon-sur-Saône, Jacques Saulnier-Delanouë devient diacre [2], puis, le 29 juillet 1776, il devient « Maître en Arts » c’est-à-dire professeur de lettres. Nous ignorons ce que furent ses débuts dans l’enseignement, mais à trente-sept ans, il est professeur septenaire au collège de Navarre et semble au sommet de sa carrière. En effet, ce collège, qui avait été fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, reine de France, est au XVIIIe siècle l’un des plus réputés de Paris. Jacques Saulnier-Delanouë réside rue de la Vieille Estrapade (actuellement, rue de l’Estrapade) à Paris. Le 16 août 1781, il achète à Augustin Crépin, un bourgeois demeurant à Paris, une petite maison avec un terrain à Aulnay, un petit hameau situé sur la commune de Châtenay-Malabry. Sur ce terrain, il fait construire une maison, juste devant la grande rue d’Aulnay.
Poésie et morale
Jacques Saulnier-Delanouë n’est pas seulement un professeur érudit, c’est aussi un poète. En 1786, il publie un opuscule intitulé Poésies morales et sacrées où respire sa belle âme.
Naturellement fort solitaire, méditatif, concentré en moi-même et convaincu cependant que l’on n’est pas toujours à soi-même la compagnie la moins dangereuse, j’ai cherché une occupation qui pût m’en distraire, remplir sagement ces vides fort rares que me laissait un emploi très laborieux […] j’essayai donc de mettre en vers, à mesure qu’ils se présentaient, quelques passages de l’Écriture Sainte. […] Je m’occupais souvent de ces idées à table même, en voyage, en visite, dans les rues de la Capitale. [3]
Ce livre est un recueil de poésies et débute par une paraphrase versifiée du « Pater ». L’essentiel de l’ouvrage est établi à partir des Psaumes 81, 93 et 143. En publiant ce travail, l’abbé souhaite donner aux lecteurs une idée de l’ancienne poésie des hébreux. Il destine cet ouvrage à la jeunesse, qu’il sait sensible à la poésie. Il espère ainsi faire renaître chez elle l’intérêt de la religion et voir succéder à une génération de philosophes, une génération véritablement chrétienne.
Le premier ouvrage de l’abbé n’est qu’un extrait d’un travail plus considérable. En 1787, il en édite un complément : Cours de morale poétique, tirée des auteurs classiques [4]. Il sait que sous l’agréable parure de la poésie, la jeunesse y trouvera un intérêt plus grand à la morale. Pour lui, la poésie échauffe l’âme et l’élève à un degré d’enthousiasme propre à conduire l’homme à produire de grandes choses. Dans ce livre, il s’évertue à montrer que la morale (vertu) est nécessaire à tous les âges, à toutes les situations de l’homme, au ministre, au magistrat, au guerrier, au commerçant, à l’artisan même, tout citoyen enfin, quelque devoir qu’ils aient à remplir dans la société. Tous ont besoin de savoir penser et bien penser, non pas en raisonneur, mais en vrai sage, en hommes vertueux. Il rappelle que Cicéron et Quintilien considéraient la poésie utile à former l’orateur. « Que fera-ce, si elle lui fournit non seulement du style, de l’harmonie, de la chaleur, des expressions, des tons, des images ; mais encore des idées, des sentiments, des maximes honnêtes en tous genres ? La véritable éloquence est celle du cœur » [5], nous dit encore Delanouë. Cette dernière phrase, pourrait-on dire, est la clé de la personnalité de Delanouë, un homme d’une grande sensibilité, qui, bien qu’enrichi d’une vaste culture, privilégie le cœur à l’intellect.
La Vallée aux loups
La carrière parisienne de l’abbé lui assure un bel avenir. Hélas, le célèbre collège de Navarre est victime de la Révolution française et ferme ses portes en 1792. Cet événement brise la carrière du professeur. Il se retire alors dans sa maison d’Aulnay dans l’attente de jours meilleurs. La matinée du 21 janvier 1793 faillit lui être fatale. En effet, l’abbé, qui espérait le retour de Louis XVI, apprit ce matin-là la condamnation du roi. Indigné, il court se prosterner dans l’église dévastée de Sceaux. Le commandant de la Garde Nationale l’aperçoit et lui demande ce qu’il fait là. « Je prie Dieu pour votre roi, que vous assassinez ! », lui répond l’abbé. Sans la compréhension bienveillante du commandant, qui le fit passer pour fou auprès des militaires qui l’accompagnaient, le pauvre abbé serait probablement passé à la guillotine [6].
Les amis
Après cet épisode qui faillit lui coûter la vie, il continua à résider paisiblement à Aulnay. Il y rencontrait souvent ses amis. Augustin Chaboseau nous dit qu’il était rare qu’Antoine Hennequin ou Henri de Latouche, amis d’enfance, viennent l’un sans l’autre chez l’abbé Delanouë. Condorcet y venait également fréquemment, et la légende veut qu’il ait passé sa dernière nuit dans la maison de Delanouë. Toujours selon Augustin Chaboseau, le poète André Chénier vint se cacher chez l’abbé et lui confia ses manuscrits avant de repartir le 7 mars 1794 pour Passy chez Pastoret, où, hélas, il sera arrêté, puis plus tard guillotiné. L’abbé confiera ensuite les manuscrits du poète encore inconnu à Chateaubriand et à Henri de Latouche [7].
Est-ce à cette époque que l’abbé a rencontré Louis-Claude de Saint-Martin à Aulnay, à moins que ce ne soit à Paris ? Nous n’en savons rien. Augustin Chaboseau dit que Saint-Martin initia l’abbé Delanouë longtemps avant sa mort, mais ne donne pas d’information permettant de dater cette rencontre. Gérard Van Rijnberk, quant à lui, recueillit auprès d’Augustin Chaboseau le témoignage suivant :
Déjà malade, vers le milieu de l’année 1803, Saint-Martin se trouvait à Aulnay, localité voisine de Sceaux. Il logea d’abord chez son ami l’abbé de Lanoüe, puis fut accueilli dans sa maison de campagne, toute proche, par l’ancien conventionnel Lenoir de la Roche, alors sénateur. [8]
Si Saint-Martin est venu chez Delanouë, ce n’est probablement pas au moment de sa mort, comme l’indique Augustin Chaboseau, car à cette époque, l’abbé n’habitait plus à Aulnay comme nous allons le voir plus loin.
L’école centrale de Porrentruy
Après quatre années passées à Aulnay, l’abbé entrevoit une suite à sa carrière d’enseignant. En 1796, l’abbé Antoine Lémane, membre de la Convention et du « Conseil des Cinq-Cents », vient rencontrer Delanouë et lui propose d’accepter un poste à l’École Centrale de Porrentruy [9]. L’abbé accepte cette proposition et part s’installer dans le Jura. Il aménage d’abord dans l’ancien couvent des Annonciades, comme un certain nombre de professeurs de l’école. Puis, plus tard, il s’installe au lieu-dit « La Côte-Dieu ». C’est dans cette maison que l’abbé Delanouë rédigera son testament en 1811.
L’École Centrale de Porrentruy prenait la suite du collège créé dans cette ville en 1590, école illustre à qui la noblesse de Bourgogne, d’Alsace et même d’Allemagne confiait souvent l’éducation de ses enfants [10]. Le collège comportait une très riche bibliothèque, un jardin botanique important et un cabinet de minéralogie très prisé des géologues. L’École Centrale qui lui succède en 1796 tient du lycée et de l’académie. On y enseigne toutes les branches de la connaissance. C’est un système nouveau qui fait marcher de front les « études littéraires, scientifiques et réales » : les langues, l’histoire, la géographie, la physique, la chimie, les mathématiques, l’histoire naturelle, la logique, la législation et le dessin. Toutes ces branches si variées y ont leurs maîtres. Delanouë est chargé des cours de littérature latine et française, et s’y distingue par ses connaissances variées et profondes. Il régnait à l’École Centrale un esprit d’émulation, d’initiative et de progrès.
Le Nouvel Émile
A Porrentruy, parallèlement à son travail d’enseignant, l’abbé Delanouë poursuit son œuvre d’écrivain. C’est probablement pendant cette période qu’il a écrit les nombreuses œuvres, hélas restées à l’état de manuscrits, dont son testament donne la liste. Delanouë a une passion ; l’éducation, et ne peut rester insensible à Émile ou l’éducation de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1762. J.-J. Rousseau voulait faire de son livre un traité d’éducation. Révolté par les propos de cet auteur, l’abbé Delanouë publie en 1814 Le Nouvel Émile ou l’histoire véritable de l’éducation d’un jeune seigneur expatrié par la Révolution [11]. Son ouvrage est une réfutation du texte de Jean-Jacques Rousseau. Il en reprend les divers points et leur donne une extension et une direction différente.
Jugement de Rousseau
Delanouë constate que Rousseau a une vision limitée de l’être humain, matérialiste. Il précise : « c’est de ce Moi humain et si mesquin dont nous entretient M. Rousseau » [12]. Il ne rejette pas totalement l’« Émile », mais en souligne les lacunes et les dangers.
Je serais un de ses plus ardents admirateurs, s’il n’était lui-même, par un déplorable abus des plus rares talents, le plus grand Ennemi de la Vérité ; le plus dangereux Séducteur de l’innocence. Dans son Émile surtout, que d’observations neuves ! Comme il a bien vu l’Homme ! Personne avant lui peut-être, ne l’avait étudié et pénétré dans l’Enfance avec autant de sagacité. C’est lui qui a ouvert la voie à cette infinité d’ouvrages et d’essais sur l’Éducation dont on s’est vu depuis inondé ; mais toujours, comme à son ordinaire, pour finir par montrer le chemin de l’erreur, malgré son imposante devise « vitam impendere vero » ; et y entraîner par les séductions de son éloquence, par la magie d’un style plein de nerf et d’élégance, de vie et de chaleur. [13]
Le Ciel, source de l’éducation
Dans l’« Émile », Rousseau voit trois sources à l’éducation : la nature, les hommes, et les choses [14]. Delanouë, paraphrasant Rousseau dans son Nouvel Émile ajoute :
pour ne point oublier la source première d’où tout cela découle, d’où nous sortons nous-mêmes, ajoutons, et du Ciel ; source d’autant moins à négliger, d’autant plus essentielle, qu’elle a sur les autres une influence continue, déterminante et que si elle ne les dirige, les trois autres seront nécessairement défectueuses, abusives, trompeuses et conduisant aux plus funestes résultats. [15]
Il insiste sur cette quatrième source de l’éducation, celle qui vient du Ciel et qui est fondamentale. Pour lui, plus que les sens, ce sont les vertus qu’il faut développer dès la prime enfance. Il s’attache essentiellement à montrer son Émile trouvant dans la pratique et la connaissance approfondie de la religion, la meilleure et la plus solide base éducative. Il veut transmettre le véritable sens de l’éducation aux hommes, car il place en elle l’espoir d’une nouvelle société ou plutôt de futurs bâtisseurs d’une meilleure humanité, une humanité ayant pour principal objectif la réconciliation divine. Selon Delanouë, cette éducation qui vient du ciel est à la base de la formation de tout homme.
Le modèle de l’éducation
Delanouë est convaincu que Rousseau, en ne révélant qu’un seul aspect de l’éducation, c’est-à-dire en privilégiant les facultés des sens, dénature la vérité, car l’homme ne vit pas seulement par les sens du corps, bien qu’ils soient utiles, mais aussi de la Vérité, du Verbe éternel, de la propre substance de Dieu. Il affirme que l’âme sortie du sein de Dieu est une émanation de sa propre substance. Il propose à son Émile un parcours transformateur en montrant que c’est Jésus-Christ, le Dieu fait homme, qu’il faut choisir comme modèle de notre éducation. Il précise : « Quel autre voulez-vous m’indiquer, plus propre à faire de votre enfant un Homme, qu’un Dieu fait Homme, qu’un Homme-Dieu, qui veut en faire un Dieu comme lui, en se rendant son propre Frère ? » [16]
Dans son système d’éducation, il mène progressivement l’enfant à devenir un homme véritable, capable d’accomplir sa mission sur terre et de trouver sa place dans le Grand Édifice. Il ajoute : « Que l’homme n’oublie pas qu’il est, sur terre, de passage, un élève du ciel et qu’il se prépare pour sa future et véritable existence. » [17] Delanouë affirme que ces bases spirituelles de l’éducation peuvent amener les hommes à un bonheur durable, ne se limitant pas à cette vie, mais ouvrant vers l’éternité. Quel fut l’écho de ce travail gigantesque qui comporte 1816 pages ? (Une étude détaillée de ce texte reste à produire et pourrait faire l’objet d’une thèse, si un jour un étudiant martiniste voulait bien s’y frotter !) Il est probable qu’il passa inaperçu, car les commentateurs de l’« Émile » de Rousseau, n’y ont jamais fait référence jusqu’à ce jour !
Thèmes martinistes
L’Abbé Delanouë connaît parfaitement la mythologie ancienne. Faisait-il partie de ces nombreux hommes d’Église initiés à la Franc-Maçonnerie au XVIIIe siècle ? cela n’est pas impossible. Il parle des grands mystères d’Adonhiram des initiés Francs-Maçons [18] avec un certain respect. Même si l’on ne trouve aucune référence directe aux œuvres de Saint-Martin dans les textes de l’abbé Delanouë, on peut constater néanmoins nombre de points communs entre les idées des deux hommes. Bien sûr, les propos de l’abbé et du Philosophe Inconnu ont des objectifs différents, puisque le but essentiel de l’auteur du Nouvel Émile, est avant tout l’éducation. Delanouë, comme Saint-Martin, est en désaccord avec le“sensualisme” qui triomphe au XVIIIe, et se méfie aussi de l’“encyclopédisme”, « ce cercle vicieux d’erreurs et de vérités qui s’entrechoquent en tous sens comme dans le chaos » [19]. De même, il insiste sur le fait que l’homme ne peut réellement se comprendre lui-même que dans la Lumière divine. Comme le Philosophe Inconnu, il pense que notre âme cherche Dieu par instinct et voit dans la Nature un “Tableau” qui laisse entrevoir à l’homme la Lumière incréé du Divin, l’invitant sans cesse à la recherche [20]. Pour lui, l’étude de la Nature est plus un jeu qu’une étude. Il s’évertue à remettre entre les mains de son Émile, les instruments, les bijoux, les trésors de la Nature et le moins possible les ouvrages des hommes. Comme Saint-Martin, il privilégie le cœur, qui n’a rien à voir avec la raison et surtout l’intellect. Il pense donc qu’il faut cultiver le cœur plus que l’intellect. Comme Saint-Martin, Delanouë insiste sur la valeur de l’action et le fait que la tâche essentielle de l’homme est de chercher Dieu. Il affirme encore :
La vie n’est qu’action : et l’acte proprement d’Homme, sa manière d’être constitutive, est la Vertu ; c’est par elle que se mesure sa durée. La Vertu procède de Dieu et revient à lui ; opère une intime union de l’Homme avec lui ; l’assimile et l’identifie, pour ainsi dire, avec l’Essence divine. C’est la seule véritable vie, dont l’autre n’est qu’une ombre. C’est pour cela que la vie du Méchant, nécessairement séparé et divorcé de Dieu, cette vie incompatible avec son principe générateur et conservateur, n’est qu’une mort éternelle. [21]
En résumé, Delanouë nous dit : surtout, n’omettons pas l’âme et ses attributs dans notre système éducatif, conservons l’âme de nos enfants candide et pure, gardons intact le rapport existant déjà entre eux et Dieu. Laissons agir la Nature, notre première éducatrice. Transmettons à nos enfants la vertu en la vivant nous-mêmes, et rendons grâce au Père Céleste, qui, dans sa divine Omnipotence et son incommensurable Amour, ne nous oublie point dans nos misères. Effaçons notre volonté devant Lui afin que la Sienne se fasse. Tel était l’objectif que l’abbé Delanouë poursuivait dans sa carrière de professeur, et le message qu’il proclamait dans tous ses livres. Parmi les textes qu’il avait écrits, il jugeait son Nouvel Émile comme « le plus propre à faire le Bien ».
Un homme de bien
Delanouë est un homme simple, pur, d’une grande piété, préférant la solitude et le recueillement, à la vie mondaine.
Là, il peut s’adonner à la méditation, à la prière et à l’écriture. Animé d’un grand enthousiasme et d’un véritable idéal, il est aussi d’une activité débordante. Il voua sa vie entière à la religion et à l’éducation, à cette chère jeunesse à qui il consacra la moitié de sa vie, et à l’édification de laquelle il voua ce qui lui restait encore de force. C’était un spiritualiste et un mystique teinté d’un idéalisme enthousiaste.
Jacques Saulnier-Delanouë est mort à Porrentruy, à son domicile, au lieu-dit “La Côte-Dieu”, le 1er mai 1823, à l’âge de soixante dix-sept ans. Il a été enterré le 3 mai dans le cimetière de Saint-Germain, à Porrentruy, ville où il a laissé les meilleurs souvenirs. C’était, dit-on, un homme de bien, cherchant la solitude et l’étude. « Il a vécu consacré à la religion, à la jeunesse, aux bonnes lettres, et aux pauvres » nous dit l’épitaphe en latin que son ami Conrad Joseph de Bilieux a composée en son honneur. On peut encore aujourd’hui lire ce texte sur la muraille extérieure de la chapelle Saint-Germain , du côté sud.
L’abbé demanda que ses biens soit vendus au profit des pauvres de la ville de Porrentruy. Il possédait une bibliothèque de plus de six cents ouvrages qu’il légua à son ami Ursanne Conrad Joseph de Bilieux, ancien conseiller d’État, grand bailli de Porrentruy. Dans son testament, il lui demandait de détruire tout ce qui pourrait « s’y trouver de livres prohibés, romans ou autres écrits dangereux aux mœurs ou à la religion ». Que voulait-il dire par là ? Que pouvait-il donc posséder dans sa bibliothèque ? Y avait-il des ouvrages traitant d’ésotérisme, de Saint-Martin ou d’autres auteurs ? nous l’ignorons. A sa mort, Conrad de Bilieux légua ce qu’il restait de cette bibliothèque, c’est-à-dire deux cents livres, à ses héritiers. Ils sont actuellement conservés au château de Hegenheim, près de Mulhouse. La consultation de la liste de ces livres ne révèle l’existence d’aucun ouvrage traitant d’ésotérisme.
[…]Notes :
[1]. Augustin Chaboseau Un grand méconnu, Henri de Latouche, Mercure de France, novembre 1924, p. 53 et Latouche réhabilité, Mercure de France, octobre 1928. Frédéric Ségu en reprendra les termes dans Henri de Latouche, un romantique républicain, Belles Lettres, 1931. [2]. Dans l’église catholique, c’est celui qui a reçu l’ordre immédiatement inférieur à celui du prêtre. Il peut suppléer un prêtre dans l’administration de la communion et du baptême. Il peut également prêcher. [3]. Avertissement de Poésies morales et sacrées, faisant partie d’un recueil annoncé par M. L’abbé J. S. Delanouë, chez Delorme Delatour, Libraire à Chalon-sur-Saône, 1786, 24 pages in 8°, pp. V à VIII. [4]. Cours de morale poétique, tirée des auteurs classiques à l’usage de la jeunesse des collèges, par un ancien Professeur de l’Université de Paris, chez Varin, Paris, 1787, 249 pp. [5]. Cours de morale… opus cité, p. 4. [6]. L’épisode cité est extrait de La Vallée aux loups, étude de paysages, Henri de Latouche, M. Lévy frères, Paris 1875, pp. 74-75. [7]. Chaboseau semble être le premier à rapporter ces éléments, d’après les témoignages d’Eugène Sinet, le maire de Châtenay, et d’Amélie de Boisse-Mortemart, qui fut la meilleure amie de Pauline Flaugergues, la dernière compagne d’Henri de Latouche. Voir «Un grand méconnu…» article cité précédemment, pp. 37-58. [8]. Augustin Chaboseau, cité dans Martinès de Pasqually, sa vie, son œuvre, son Ordre, tome II, Gérard Van Rijnberk, Derain-Raclet, Lyon, 1938, p. 30. [9]. C’est Charles Dupuis, l’auteur du célèbre ouvrage sur l’Origine de tous les cultes ou Religion Universelle qui fut chargé de la réorganisation du collège de Porrentruy. Le collège, qui avait été fermé à cause de la Révolution, rouvrit ses portes en grande pompe le 30 mai 1796. [10]. Le collège de Porrentruy connut de nombreuses péripéties. Il existe encore de nos jours sous le nom de « Lycée cantonal ». Sur l’histoire de ce collège, voir le livre de Louis Vautrey, Histoire du collège de Porrentruy (1590-1865), éd. Victor Michel, 1866. [11]. Le Nouvel Émile, ou l’histoire véritable de l’éducation d’un seigneur français expatrié par la Révolution ; par un ancien professeur de l’université de Paris, Besançon 1809, chez Chalandre, Imprimeur-Libraire, en 4 vol., 1816 pp. [12]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, p. 26. [13]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, pp. 56-57. [14] Émile, ou de l’éducation, Paris, 1966, Garnier-Flammarion, p. 37. [15]. Le Nouvel Émile…, opus cité Livre I, p. 6. [16]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, p. 54. [17]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, p. 63. [18]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre XVII, p. 106. [19]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, p.144. [20]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, pp. 154-155. A propos de la Nature, il recommande la lecture de La Contemplation de la Nature de Charles Bonnet. [21]. Le Nouvel Émile…, opus cité, Livre I, p. 67. […]