Le Ministère de l’Homme-Esprit de Louis-Claude de Saint-Martin
Dans son travail mystique, l’homme ne doit pas s’intéresser uniquement à sa propre évolution spirituelle. Son développement doit participer au progrès de toute la Création. Ce progrès ne peut se faire sans lui, car l’homme est responsable de l’état actuel de la nature. Comment l’homme peut-il mener à bien ce travail qui constitue son Ministère, et quelles en sont les étapes majeures ? C’est ce que Louis-Claude de Saint-Martin nous propose de découvrir dans ce livre.
Le Ministère de l’Homme-Esprit peut être considéré à juste titre, comme le testament spirituel de Louis-Claude de Saint-Martin. D’abord parce qu’il constitue son dernier ouvrage, mais aussi parce qu’il est probablement celui dans lequel il s’exprime le plus clairement.
C’est en 1802, chez Migneret à Paris, que ce livre connaît sa première édition. Après cette publication, le Philosophe Inconnu n’offre plus de production personnelle à ses lecteurs, mais ses traductions des œuvres de Jacob Boehme. Depuis quelques années en effet, notre philosophe consacre une grande partie de son temps à la traduction des livres de cet auteur.
Le Ministère de l’Homme-Esprit témoigne de l’influence de Jacob Boehme sur le Philosophe Inconnu. Cette marque est si présente que J. M. Quérard présentait ce livre comme étant la traduction d’un ouvrage de Boehme. Il est certain que dans ce livre, les idées de Boehme sont très présentes. Des thèmes comme ceux de la Sophia, de l’Éternelle Nature, ou de l’imitation du Christ montrent à quel point notre philosophe avait fait sienne les principales données du cordonnier de Görlitz.
Certaines pages du Ministère se présentent effectivement comme un condensé des théories que Boehme expose dans son ouvrage intitulé : L’Aurore Naissante. Dans le premier chapitre le Philosophe Inconnu consacre seize pages à une explication des sept puissances de la nature et de la structure de l’univers selon les théories-de Boehme. Ces pages comprennent une description de chaque astre du système solaire. Dans ces textes, Saint-Martin a utilisé de larges extraits du chapitre vingt-cinquième de l’Aurore Naissante : « Du corps entier de la génération des étoiles ; c’est-à-dire, l’universelle astrologie, ou le corps entier de ce monde ». Même si l’influence de Boehme est très présente dans ce livre, il n’en reste pas moins vrai que la réflexion que Saint-Martin propose à ses lecteurs, reste profondément originale.
Ce livre ne porte plus sur des notions rudimentaires, il suppose le lecteur au fait des données élémentaires contenues dans les précédents ouvrages de l’auteur. Toujours fidèle à l’objectif essentiel du Philosophe Inconnu, il a pour but d’exposer aux hommes « le tableau de leurs véritables titres, et de faire, que frappés par la grandeur de leur origine, ils ne négligent rien pour faire revivre leurs privilèges… »
En exergue de son livre, Louis-Claude de Saint-Martin pose en affirmation une phrase extraite de son ouvrage précédent : « L’Homme est le mot de toutes les énigmes. » À l’image de Descartes qui eut l’idée d’appliquer l’algèbre à la géométrie, Saint-Martin voudrait faire de l’homme, « l’universel instrument », la mesure qui permet de tout analyser et comprendre. Cette connaissance aura, selon lui, pour conséquence essentielle de rétablir l’homme dans ses prérogatives perdues. Dans cette position, il pourra enfin remplir son « Ministère ».
« L’homme est un être chargé de continuer Dieu là où Dieu ne se fait plus connaître lui-même. »
(Ministère de l’homme-esprit)
Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu,
l’homme et l’univers
Le Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers est un ouvrage fondamental pour ceux qui cherchent à comprendre les mystères de la Création. Pour Louis-Claude de Saint-Martin, l’homme porte en lui la clé de tous les mystères. Se connaître soi-même est la condition primordiale pour accéder à la Connaissance. Les textes sacrés nous enseignent que l’histoire de l’humanité est liée à un drame en trois actes. Le premier est celui de l’âge d’or le deuxième celui d’une chute douloureuse dans la matière le troisième, qui reste à venir, sera marqué par une rédemption, une réintégration dans le Divin. L’auteur s’efforce de percer le sens ésotérique de ces trois étapes. il montre aussi que si l’homme nourrissait sa volonté à la chaleur de l’Amour divin, il accéderait à la régénération d’une manière naturelle, et l’humanité trouverait la Connaissance menant à la Paix Profonde.
Le Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers est le deuxième livre écrit par Louis-Claude de Saint Martin. Il a été publié en 1782, soit sept ans après Des Erreurs et de la Vérité. C’est un ouvrage fondamental pour ceux qui cherchent à comprendre les mystères de la Création. Louis-Claude de Saint-Martin nous y indique en effet que c’est en l’homme que se trouve la clé de tous ces mystères. Se connaître soi-même, c’est pour lui la condition primordiale pour accéder à la Connaissance. C’est pour cette raison qu’il place en exergue de son livre une phrase extraite de son précédent ouvrage invitant à « expliquer les choses par l’homme et non l’homme par les choses ». Dans cette optique, il nous propose de réfléchir sur l’histoire de l’humanité.
Cette histoire peut se lire comme un drame en trois actes. Le premier est celui de l’âge d’or ; le deuxième, celui d’une douloureuse chute dans la matière ; le troisième, qui reste à venir, sera marqué par une rédemption, une réintégration dans le Divin. L’auteur s’efforce de percer le sens ésotérique de ces étapes en se basant sur la théorie de la réintégration qu’il tient de Martinès de Pasqually, le mystérieux fondateur de l’Ordre des Élus-Cohens.
Mais l’ouvrage de Louis-Claude de Saint-Martin s’inscrit aussi dans le débat du XVIIIe siècle relatif à l’origine et au rôle des religions et des mythologies. En effet, son Tableau naturel se situe entre deux publications importantes, celle du Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, d’Antoine Court de Gébelin (1719-1784) et l’Origine de tous les cultes ou Religion universelle, de Charles-François Dupuis (1794). À la lecture du livre du Philosophe Inconnu, on s’étonne de son exceptionnelle connaissance de la mythologie, mais on déplore cependant son ignorance de la religion musulmane. Sur ce point, il adopte une attitude critique très répandue au XVIIIe siècle, comme en témoignent les positions de l’abbé de Saint-Pierre et de Voltaire.
Un des thèmes particulièrement intéressants qu’aborde le Tableau naturel est celui de l’origine de la pensée. Il montre que l’impasse dans laquelle se trouve l’homme résulte de la confusion qui règne dans les pensées d’un être qui s’est coupé de sa source. Méditant sur le ternaire : pensée, volonté et action, il invite l’homme à se ressourcer à la chaleur de l’Amour divin. Ce faisant, l’homme retrouverait ses racines, sa régénération pourrait s’opérer naturellement et il accéderait à la Connaissance conduisant à la Paix Profonde.
Dans sa Notice biographique sur Louis-Claude de Saint-Martin (1824), Jean-Baptiste-Modeste Gence présente ainsi l’argument et le plan du livre du Philosophe Inconnu.
Dans cet ouvrage, composé à Paris d’après le conseil de quelques amis, l’auteur infère, de la supériorité des facultés de l’homme et de ses actes sur les organes des sens et sur ses productions, que l’existence de la nature soit générale, soit particulière, est également le produit de puissances créatrices supérieures à ce résultat. Cependant, l’homme est dans la dépendance des choses physiques, dont il n’acquiert l’idée que par l’impression qu’elles font sur ses organes. Mais il a, en même temps, des notions d’une autre classe, des idées de loi et de puissance, d’ordre et d’unité, de sagesse et de justice. Il est ainsi dépendant de ses idées intellectuelles et morales, de même que des idées tirées des sens. Or celles-là n’en viennent pas : elles partent donc d’une autre source ; de facultés extérieures qui produisent en lui les pensées. Mais d’où est née cette dépendance ? Du désordre produit par une cause inférieure, qui s’est opposée à la cause supérieure, et qui a cessé d’être dans sa loi. L’homme est tombé: dès lors ce qui existait en principe immatériel a été sensibilisé sous des formes matérielles. L’ordre et le désordre se sont manifestés. Néanmoins, tout tend à rentrer dans l’unité d’où tout est sorti. Si, par suite de cette chute, les vertus ou facultés morales et intellectuelles ont été partagées pour l’homme, il doit travailler en revivifiant sa volonté par le désir, à recouvrer celles dont il a été séparé. Mais sa régénération ne peut s’opérer qu’en vertu de l’acte du Réparateur, dont le sacrifice a remplacé les expiations qui avaient lieu avant la loi de l’esprit.
Le Tableau naturel est un ouvrage fondamental du Martinisme. Il constitue un complément indispensable au maître livre de cette tradition, le Traité sur la réintégration des êtres de Martinès de Pasqually, dont nous avons fourni une version dans cette même collection. Depuis sa première parution en 1782, le Tableau naturel connut peu d’éditions. En 1900, Papus le publia avec une préface chez Chamuel, dans la collection « Bibliothèque Martiniste ». Il fallut ensuite attendre 1946 pour en trouver une nouvelle version aux Éditions du Griffon d’Or, avec une introduction de Philippe Lavastine. Enfin, la dernière publication, due à Robert Dumas, remonte à 1974. Nous sommes donc heureux de proposer à nouveau au lecteur un texte introuvable depuis des années.
Le Nouvel-Homme
Louis-Claude de Saint-Martin se consacra à rappeler aux hommes leur origine divine, afin de les inciter à suivre la voie de la réintégration. En effet, depuis la chute d’Adam, l’homme est comme emprisonné dans son enveloppe terrestre. Comment se libérer de cette condition et sortir de ce « vieil homme » pour renaître en esprit dans un « Nouvel Homme » ? Dans ce livre, le Philosophe Inconnu répond à cette question et indique quel chemin nous devons suivre pour engendrer en nous cet être purifié qui redonnera à l’homme sa véritable dimension.
La réédition de ce livre constitue un événement majeur pour tous ceux qui s’intéressent à la pensée saint-martinienne et en premier chef pour les Martinistes. C’est à Paris, chez les directeurs de l’imprimerie du Cercle Social, pendant l’an IV de la liberté (1795-96) que ce livre connut sa première édition.
Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) a composé cet ouvrage à Strasbourg en 1790. Ce livre, tout comme celui qu’il publia en 1790, L’Homme de Désir, souligne la nouvelle orientation de Saint-Martin. En effet, depuis 1775, il a pris ses distances avec l’Ordre des Élus-Cohen. La voie externe, celle de la théurgie, que préconisait Martinès de Pasqually aux Élus-Cohen, lui semble inutile et dangereuse. Cette voie, celle des manifestations sensibles, il la suivait depuis 1768. Elle ne l’avait pas séduit totalement, ses penchants naturels l’entraînaient vers la voie interne, celle du cœur. Saint-Martin va prendre « ailleurs que chez Martinès le chemin du réparateur ».
Afin de prendre du recul, il voyage en Angleterre, en Italie et en Allemagne, pour « étudier l’homme et la nature et pour confronter le témoignage des autres avec le sien ». À Londres, il visite les temples de la Jérusalem Nouvelle et juge durement cette voie dont il estime qu’elle ne « mène pas loin ». C’est également une déception qui l’attend à son arrivée à Strasbourg. Il y constate les succès de ceux qui ne s’intéressent qu’au spectaculaire, des « professeurs de sciences occultes, auxquels le vulgaire ignorant donne indifféremment le nom d’illuminés ». C’est à Strasbourg également, qu’il prendra connaissance des ouvrages de celui qui deviendra son second Maître, Jacob Boehme (1575-1724).
Dans la vieille ville impériale du Rhin, devenue française, il rencontre aussi le chevalier Silverhielm, ancien aumônier du roi de Suède et neveu de Swedenborg. Le chevalier Silverhielm pensait convertir Saint-Martin à son maître Swedenborg. Il est guère probable qu’il parvint à ses fins, d’ailleurs Saint-Martin dans son Homme de Désir semble réservé par rapport aux théories du visionnaire suédois : « Mille preuves dans ses ouvrages, qu’il a été souvent et grandement favorisé ! Mille preuves qu’il a été souvent et grandement trompé ! Mille preuves qu’il n’a vu que le milieu de l’oeuvre et qu’il n ‘en a connu ni le commencement ni la fin ! »
Sur les conseils du neveu de Swedenborg, Saint-Martin écrit Le Nouvel Homme. Dans cet ouvrage, le Philosophe Inconnu ne développe pas de grandes théories sur les nombres, le livre de l’homme ou l’origine des langues comme il l’a fait dans ses deux premiers livres (Des Erreurs et de la Vérité, 1775; Le Tableau Naturel, 1782). Cet ouvrage est selon J. Gence plutôt une exhortation qu’un enseignement.
La vérité ne demande pas mieux que de faire alliance avec l’homme ; mais elle veut que ce soit avec l’homme seul, et sans aucun mélange de tout ce qui n’est pas fixe et éternel comme elle.
(Nouvel-Homme)
Le Temple du cœur
Pour Louis-Claude de Saint-Martin, la prière est la clé fondamentale du cheminement mystique, voire de l’initiation. Elle est l’acte le plus pur dont l’homme soit capable. Le but de ce livre est précisément d’offrir aux « Hommes de Désir », aux chercheurs en quête d’Absolu, les conseils éclairés du Philosophe inconnu sur cet art. La première partie de cet ouvrage est consacrée à des conseils sur la manière de se retirer dans le calme de son temple intérieur, afin de prier. La seconde comporte dix prières mystiques, ainsi que deux recueils de pensées et d’aphorismes. L’ensemble constitue une œuvre très inspirante pour tout adepte des « vérités éternelles ».
En 1807, quatre ans après la mort de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), son petit-cousin et disciple, Nicolas Tournier, publia quelques manuscrits inédits du Philosophe Inconnu. Ces Œuvres posthumes regroupent des textes très différents les uns des autres. On y trouve aussi bien des traités relatifs aux enseignements martinistes, que des fragments littéraires, des extraits de son journal personnel, des pensées, des prières, des poèmes, etc.
Après plusieurs rééditions successives, ces volumes sont aujourd’hui épuisés et quelques-uns des textes, dont Nicolas Tournier n’avait donné que des extraits, ont été depuis édités dans leur intégralité. C’est le cas notamment du journal de Saint-Martin et de son recueil de pensées qui ont été publiés par Robert Amadou, respectivement sous les titres de : Mon portrait historique et philosophique (1789-1803) et Mon livre vert .
Nous avons pensé intéressant de publier à nouveau les textes les plus importants de ces œuvres posthumes en les regroupant de manière thématique. Ainsi ce volume, intitulé Le Temple du cœur, reprend les quatre textes les plus mystiques des Œuvres posthumes.
Le premier, « Fragments d’un traité sur l’admiration », est un petit traité sur la prière. Cette « admiration », c’est la prière de contemplation qui nous fait participer au mystère divin. Elle s’apparente à la méditation, à la communion silencieuse. Pour Saint-Martin, la prière est la clé fondamentale du cheminement mystique, voire de l’initiation. Elle est l’acte le plus pur dont l’homme soit capable. Pour exercer cet art, point n’est besoin de temple extérieur, nous dit le Philosophe Inconnu, car l’homme possède en lui un sanctuaire idéal : son cœur. Aussi, tout l’art de la prière consiste-t-il à descendre dans ce temple du cœur. Ce principe quénonce Louis-Claude de Saint-Martin rattache la prière martiniste à la prière du coeur de l’hésychasme .
Les « Dix Prières » qui constituent la deuxième partie de ce volume offrent un beau témoignage de la pratique mystique recommandée par Saint-Martin.
Leur vocabulaire utilise les éléments de la doctrine de la réintégration de son premier Maître, Martinès de Pasqually. L’influence sophianique de son second Maître, Jacob Boehme, y est aussi présente. La mélancolie qui se dégage de certaines d’entre elles n’est pas sans évoquer l’influence que les kabbalistes chrétiens et les magiciens de la Renaissance cherchaient à capter en se plaçant sous l’influence de Saturne. Cet état d’âme était censé favoriser les communications avec les mondes supérieurs. N’oublions pas que Martinès de Pasqually accordait une grande importance à cette planète. Il en fait la porte de la réintégration, celle qui marque la frontière entre le monde céleste et le monde surcéleste. Par ailleurs, Moshe Idel a souligné la valeur théurgique des larmes. Il indique que parmi les diverses techniques utilisées par les kabbalistes pour provoquer des visions mystiques ou des révélations, on trouve celle des « pleurements ».
Les deux derniers textes de ce volume proposent à notre méditation deux séries de pensées tirées de manuscrits de Louis-Claude de Saint-Martin. La première en comporte cinquante-deux. Quant à la seconde, elle regroupe deux cent trois pensées extraites d’un manuscrit qui en comportait mille. Pour ces dernières, nous n’avons pas respecté la numérotation de l’édition de Letourmy à cause de ses nombreuses erreurs. Le lecteur désireux de s’y reporter trouvera en fin de volume une table de correspondances entre notre édition, celle de Letourmy et celle de Robert Amadou. Au fil de ces pensées, on peut découvrir un véritable traité mystique, rédigé d’une manière non systématique. Ces textes comportent également des aphorismes et des notes autobiographiques qui nous font entrer dans l’intimité d’un mystique authentique doublé d’un écrivain au style remarquable.
Le but du présent volume est d’offrir aux « Hommes de Désir », aux chercheurs d’absolu, un livre de chevet dans lequel ils puissent trouver à la fois des conseils sur la manière de se retirer dans le calme de leur temple intérieur et des textes destinés à nourrir leur méditation et leur réflexion.
Les Voies de la Sagesse
Les Voies de la Sagesse regroupe quatre textes de Louis-Claude de Saint-Martin. Ces écrits n’étaient pas destinés au grand public, mais à ses frères Martinistes des Loges Élus Cohen. ils abordent donc la philosophie et la cosmogonie martinistes d’une manière beaucoup plus directe. De ce fait, ce sont des textes fondamentaux pour comprendre la doctrine de la réintégration, celle qui évoque l’exil de l’homme hors du Divin et son retour vers son Royaume perdu. Dans ces quatre textes, Louis-Claude de Saint-Martin évoque le rôle de l’homme et des êtres qui peuplent les différentes sphères de la Création : mondes terrestre, céleste et surcéleste.
En 1807, quatre ans après la mort de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), son neveu, M. Tournier, publia quelques manuscrits inédits du Philosophe Inconnu. Ces Œuvres posthumes regroupent des textes très différents les uns des autres. On y trouve aussi bien des traités relatifs aux enseignements martinistes, que des fragments littéraires, des extraits de son journal personnel, des pensées, des prières, des poèmes, etc.
Après plusieurs rééditions successives, ces volumes sont aujourd’hui épuisés et quelques-uns des textes, dont M. Letourmy n’avait donné que des extraits, ont été depuis édités dans leur intégralité. C’est le cas notamment du journal de Saint-Martin et de son recueil de pensées qui ont été publiés par Robert Amadou respectivement sous les titres de : Mon portrait historique et philosophique (1789-1803) et Mon livre vert.
Nous avons pensé intéressant de publier à nouveau les textes les plus importants de ces Œuvres posthumes en les regroupant de manière thématique. Ainsi, ce premier volume, intitulé Les Voix de la Sagesse, rassemble des traités qui abordent les aspects essentiels de la philosophie et de la cosmogonie martinistes. Cette édition sera suivie d’un second volume : Le Temple du cœur. Ce dernier reprendra les textes les plus mystiques des Œuvres posthumes, comme le traité sur la prière qu’il écrivit sous le titre : « Les voies de l’admiration », ainsi que les pensées et les prières.
Les quatre textes constituant ce premier volume sont d’autant plus intéressants que, contrairement à ceux que l’on trouve dans les livres que publia le Philosophe Inconnu, ils sont plus faciles à appréhender. En effet, avec ses livres, Louis-Claude de Saint-Martin s’adressait au grand public. Aussi, pour ne pas trahir le secret de l’initiation, il prit soin d’en masquer le sens véritable, ce qui explique le fait qu’ils soient parfois si difficiles à pénétrer. Il n’en est pas de même pour les textes que nous présentons ici. En effet, ces derniers n’étaient pas destinés à la publication, mais à l’enseignement de ceux qui avaient été initiés dans l’Ordre des Élus-Cohens. Ils abordent donc la philosophie martiniste d’une manière beaucoup plus directe.
Cette philosophie évoque le cheminement de l’homme vers sa réintégration dans le Divin. Elle trouve sa source dans le célèbre Traité sur la réintégration des êtres, de Martinès de Pasqually. Les textes que nous publions ici constituent une aide précieuse, voire indispensable, pour mieux comprendre la doctrine de la réintégration exposée par Martinès de Pasqually. Il faut d’ailleurs souligner que pour pénétrer au cœur de la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin, il est indispensable de posséder les notions essentielles présentées dans le « traité » de Martinès de Pasqually. Les quatre textes qui composent le volume des Voies de la Sagesse sont donc des écrits fondamentaux pour comprendre les idées principales de la philosophie martiniste, système basé sur une vision particulière du monde. Dans celui-ci, chaque être, qu’il appartienne au Monde terrestre, à l’immensité céleste ou à l’Immensité surcéleste joue un rôle particulier, tout en restant en étroite interdépendance avec l’ensemble de la Création. Ainsi en est-il de l’homme et des autres Esprits spirituels comme nous l’indiquent les quatre textes du Philosophe Inconnu que nous publions ici.
L’Homme de désir
Louis-Claude de Saint-Martin, justement surnommé le Philosophe Inconnu, incarne, à la jonction dramatique du XVIIIe et du XIXe siècle, l’Illuminisme et le Gnosticisme : il en renouvelle l’expression dans une Parole très pure.
L’Homme de désir, paru presqu’en même temps que Le Génie du Christianisme, eut une fortune plus secrète et, peut-être, une plus profonde influence : Victor Hugo, Balzac, Lamennais, Sainte-Beuve, bien d’autres encore ont médité ces versets dont l’harmonie scande une sagesse et un savoir.
Introuvable depuis un siècle et demi, voici donc le texte de l’Homme de désir : il a beaucoup à dire en un temps où certains voudraient ne voir en l’homme que la « machine désirante ».
Les merveilles du seigneur semblent jetées sans ordre et sans dessein dans le champ de l’immensité.
Elles brillent éparses comme ces fleurs innombrables dont le printemps émaille nos prairies.
Ne cherchons pas un plan plus régulier pour les décrire. Principes des êtres, tous tiennent à toi.
C’est leur liaison secrète avec toi, qui fait leur valeur, quelle que soit la place et le rang qu’ils occupent.
J’oserai élever mes regards jusqu’au trône de ta gloire. Mes pensées se vivifieront en considérant ton amour pour les hommes, et la sagesse qui règne dans tes ouvrages.
Ta parole s’est subdivisée lors de l’origine, comme un torrent qui du haut des montagnes se précipite sur des roches aiguës.
Je le vois rejaillir en nuages de vapeurs ; et chaque goutte d’eau qu’il envoie dans les airs, réfléchit à mes yeux la lumière de l’astre du jour.
Ainsi tous les rayons de ta parole font briller aux yeux du sage ta lumière vivante et sacrée ; il voit ton action produire et animer tout l’univers.
Objets sublimes de mes cantiques, je serai souvent forcé de détourner ma vue de dessus vous.
L’homme s’est cru mortel parce qu’il a trouvé quelque chose de mortel en lui ; Et même celui qui donne la vie à tous les êtres, l’homme l’a regardé comme n’ayant ni la vie, ni l’existence.
Et toi, Jérusalem, quels reproches n’ont pas à te faire les prophètes du Seigneur !
Tu as pris ce qui servait à te parer, dit le Seigneur, et qui était fait de mon or et de mon argent, que je t’avais donnés ; tu en as formé des images d’hommes auxquelles tu t’es prostituée.
Cris de la douleur, mêlez-vous à mes chants d’allégresse ; la joie pure n’est plus faite pour le triste séjour de l’homme.
Des preuves irrésistibles sur les vérités premières, n’ont- elles pas déjà été manifestées aux nations ?
S’il vous reste des doutes, allez vous purifier dans ces sources. Puis vous reviendrez unir votre voix à la mienne ;
Et nous célébrerons ensemble les joies de l’homme de désir, qui aura eu le bonheur de pleurer pour la vérité. (L’Homme de désir, n° 1)
Présence de Louis-Claude de Saint-Martin
Ce volume regroupe des textes inédits du Philosophe Inconnu :
Instructions sur la Sagesse
Instructions sur un autre plan…
On trouvera dans ce volume dix inédits importants de Louis-Claude de Saint Martin publiés pour la première fois par Robert Amadou, ainsi que des études de divers spécialistes réunis en colloque à Tours. (1986)
Comme il n’est rien que j’aime plus que toi, homme, je veux te montrer tout ce que j’ai fait en ta faveur, et tout ce que tu dois attendre de moi, pour peu que tu m’aimes à ton tour. Je ne te demande que de la confiance en mes promesses, et je te donnerai cent fois plus que je ne t’aurai promis. Je dissiperai toutes tes craintes, j’éclaircirai tous tes doutes. Je suis la force et la lumière même.
Le premier doute qui te tourmente est de savoir pourquoi tu te trouves emprisonné dans une épaisse matière, dont les besoins et la corruption te retiennent comme dans l’esclavage et t’entraînent si souvent dans la confusion. Pour te tranquilliser sur ce point, je t’apprendrai qu’avant ta formation et celle de cet univers, j’avais émané de moi-même des êtres spirituels comme toi. Je les avais émanés pour ma gloire, pour qu’ils me rendissent ce culte d’amour et de vénération qui m’est agréable et qui en même temps fait le bonheur de l’être qui ne cherche qu’à m’honorer.
En qualité d’êtres spirituels, ils étaient libres et, comme émanant de moi, ils avaient une loi prise dans leur émanation même, qui consistait à ne pouvoir sortir des bornes de leur nature et à ne pouvoir jamais s’égaler à moi, quelque violents que fussent leurs efforts. Car je suis le seul être, et il n’y en aura jamais de semblable à moi. Ils avaient encore un précepte pour les diriger dans le culte qui devait faire l’essence de leur nature spirituelle, et un commandement pour l’exécuter.
Si ces êtres n’eussent pas tenté de sortir des bornes que je leur avais prescrites en les émanant de moi, s’ils eussent marché selon mes préceptes et qu’ils n’eussent point abusé de leur commandement, une paix inaltérable et des délices sans nombre eussent été leur récompense, le mal serait encore inconnu. Mais, étant indépendants de moi, quant à leurs volontés et actions spirituelles, je ne pouvais contraindre leur libre-arbitre sans le détruire. Ils avaient en eux un principe de vie indestructible que je donne à tout ce qui émane de moi, et que je laisse ensuite opérer selon son gré, sans que je sois pour rien dans l’action de l’être qui en est revêtu.
(Instruction sur la Sagesse)
Controverse avec Garat
Textes inédits, précédée d’autres écrits philosophiques.
Corpus des œuvres de philosophie en langue française, sous la direction de Michel Serres. (Texte revu par Robert Amadou).
Élève des Écoles normales de la République en 1795, Saint-Martin voit dans cette école, un foyer d’athéisme et de matérialisme. Le citoyen de Saint-Martin assiste au « cours d’analyse de l’entendement » du citoyen Garat : de là sortit la célèbre controverse qui, globalement, oppose l’illuminisme aux Lumières, en particulier sur la fonction des signes par rapport à la langue et au sens, lesquels, pour le Philosophe, ont leur source dans la parole spirituelle issue du Verbe divin. « Dans tout ce qui peut être connu de nous… il n’y a rien qui ne vienne par une semence et par un germe » : le principe s’applique à la pensée, au langage, aux sciences, à la morale et à la politique – la Révolution même, nonobstant ses principes faux, répond à un dessein de la Providence.
Sont rassemblés dans ce volume, les textes publiés dans les Séances des Écoles normales, recueillies par des sténographes, et revues par les professeurs. Nouvelle édition. Débats. Tome troisième, Paris, Cercle social, 1801-an 9 (sic pour fin 1802)
Ce recueil propose les textes suivants :
-Discours sur la question suivante, proposée par l’Académie royale des sciences et belles lettres de Prusse : Quelle est la meilleure manière de rappeler à la raison les nations, tant sauvages que policées, qui sont livrées à l’erreur et aux superstitions de tout genre ?
–Lettre à un ami ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la Révolution Française, Paris, Louvet et Migneret, an III (mai 1795).
-Réflexions d’un observateur sur la question : Quelles sont les institutions les plus propres à fonder la morale d’un peuple ?, s.l.n.d. (Paris, 1797).
-Essai sur les signes et sur les idées, relativement à la question de l’Institut : Déterminer l’influence des signes sur la formation des idées, s.l. (Paris), an VII (janvier 1799).
-Cahier de métaphysique, suivi des observations sur les signes et les idées et réfutation des principes de M. Gérando, publié pour la première fois, d’après la copie de Cartier (ms. Watkins), dans l’Initiation, 1966, n°3 pp. 147-157 et n°4, pp. 237-243; 1968, n°3, pp 156-167. Ces notes ont été consignées par l’auteur vers 1800.
Les Nombres
Œuvre posthume : texte intégral et dessins de Saint-Martin (première édition conforme au manuscrit original). Introduction et notes par Robert Amadou.
Pour Saint-Martin, les nombres ne sont que la traduction abrégée, ou la langue concise des vérités et des lois dont le texte et les idées sont dans Dieu, dans l’homme et dans la nature.
Et tantôt de répéter, tantôt de présupposer, conformément à la tradition reçue et répercutée par Martinès : les nombres ne sont pas une simple marque dont seraient frappés les êtres. Mais à chacun de ceux-ci, Dieu a donné la propriété, et cette propriété se manifeste par le nombre.
L’arithmosophie de Saint-Martin particularise la ligne martinésienne en l’ordonnant, selon le génie propre de Saint-Martin, dans la forme verbale et selon un christianisme plus orthodoxe.
Les nombres que la traduction abrégée ou la langue concise des vérités et des lois dont le texte et les idées sont dans Dieu, dans l’homme et dans la nature.
(Les Nombres)
Lettre à un ami, ou considération politiques philosophiques
et religieuses sur la Révolution française
Dans cet ouvrage écrit sous la forme d’une lettre, Louis-Claude de Saint-Martin présente ses réflexions sur la Révolution. Loin d’être un manuel d’histoire, c’est un texte dans lequel il expose sous une forme abrégée les idées exprimées dans ses ouvrages précédents sur les origines et la finalité de l’homme et de la Création. Ces caractéristiques en font un livre particulièrement intéressant.
Ajoutons qu’il est agrémenté d’une présentation et de notes de Nicole Jacques-Lefèvre, l’une des plus grandes spécialistes du Philosophe Inconnu.
Sommaire
- Saint-Martin dans la Révolution
- Une période d’intense activité
- Saint-Martin témoin et commentateur de la Révolution
- La Lettre à un ami : une lecture illuministe de la Révolution française
- Circonstances de l’écriture et de la réception de la Lettre à un ami
- Quelques caractéristiques de l’écriture de la Lettre
- Le politique et l’illuminisme
- La Révolution comme avènement du sujet
- Un rêve utopique ?
- Saint-Martin et Rousseau
- Saint-Martin et la Révolution : bibliographie
Mon livre vert
Col. : « Documents martinistes 28 », texte établi et publié intégralement pour la première fois par Robert Amadou.
Louis-Claude de Saint Martin, Maître de théosophie, a tenu plusieurs recueils de pensées. Celui-ci, qu’il désignait comme Mon livre vert (on a conservé le titre familier) et dont quelques fragments étaient seuls connus, présente, dans son genre, une originalité.
Des notes autobiographiques et des aphorismes de moraliste découvrent un peu mieux la figure si attachante du Philosophe Inconnu. Surtout, voici en 1000 articles (car confidences et maximes sont aussi des pensées) un véritable traité, non systématique mais quasi complet, sous la forme la plus accessible, d’une doctrine de vie. Vastes pans et points de détail, commentaire des idées courantes en France peu avant 1785, Mon livre vert, enfin mis au jour, est indispensable pour comprendre et pénétrer la réintégration des êtres, telle que l’a élaborée un immense illuminé, mystique authentique et bon écrivain, adversaire des prétendues lumières, au message très actuel.
C’est un grand travail que de chercher à nous connaître tels que nous sommes ; mais il faut ensuite travailler à nous connaître tels que nous devrions être. Ces deux sciences sont liées et doivent continuellement nous occuper. Une troisième science vient après ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C’est qu’après avoir appris à connaître ce que nous devrions être, il faut travailler sans relâche à le devenir.
(Livre vert, n° 993)