Par Louis-Claude de Saint-Martin ♦
Extrait du livre Des nombres.
« Les nombres ne sont que la traduction abrégée ou la langue concise des vérités et des lois dont le texte et les idées sont dans Dieu, dans l’homme et dans la nature. On peut aussi les définir le portrait intellectuel et oral des opérations naturelles des êtres ou encore, si l’on veut, la limite et le terme des propriétés des êtres, et cette mesure qu’ils ne pourraient passer sans s’égarer et se dénaturer, ce qui a fait dire à quelqu’un que les nombres étaient la sagesse des êtres et ce qui empêchait qu’ils ne devinssent fous.
Il faut donc s’instruire à fond de ce qui est contenu dans ce sublime texte et dans ces idées PRINCIPES pour pouvoir se garder des fautes que les traducteurs et les peintres ont pu faire et font tous les jours dans leurs versions et dans leurs tableaux.
La principale erreur dont il faille se préserver, c’est de séparer les nombres de l’idée que chacun d’eux représente et de les montrer détachés de leur base d’activité, car on leur fait alors perdre toute leur vertu, qui doit être de nous avancer dans la ligne vive ; ils ne sont plus qu’un objet de curieuse et orgueilleuse spéculation ; et s’ils ne font pas toujours devenir l’auditeur plus coupable, ils ne lui rendent pas néanmoins plus de service que si on lui apprenait la syntaxe d’une langue dont il ne saurait pas les mots ou que si on lui apprenait les mots d’une langue dont il ne saurait ni le sens ni la syntaxe.
Or, pour montrer comment ils sont liés à leur base d’activité, commençons par observer la marche de l’UNITE et du nombre DEUX.
Lorsque nous contemplons une vérité importante, telle que l’universelle puissance du Créateur, sa majesté, son amour, ses profondes lumières ou tel autre de ses attributs, nous nous portons tout entier vers ce suprême modèle de toutes choses ; toutes nos facultés se suspendent pour nous remplir de lui et nous ne faisons réellement qu’un avec lui. Voilà l’image active de l’unité, et le nombre UN est dans nos langues l’expression de cette unité ou de l’union indivisible qui, existant intimement entre tous les attributs de cette unité, devrait également exister entre elle et toutes ses créatures et productions. Mais si, après avoir porté toutes nos facultés de contemplation vers cette source universelle, nous reportons nos yeux sur nous-mêmes et que nous remplissions de notre propre contemplation, de façon que nous nous regardions comme le principe de quelques unes des clartés ou des satisfactions intérieures que cette source nous a procurées, dès cet instant nous établissons deux centres de contemplation, deux principes séparés et rivaux, deux bases qui ne sont plus liés ; enfin, nous établissons deux UNITES avec cette différence que l’une est réelle et l’autre apparente.
Mais montons à la primitive époque de ce nombre irrégulier. On ne peut rien faire produire à UN, ni lui rien ôter, comme on le sait et comme on le verra dans plusieurs articles de ce recueil. Par conséquent, il est impossible de faire naître DEUX de UN, et s’il en sort quelque chose par violence, ce ne peut être que de l’illégitime et comme une diminution de lui-même. Or, quelle est la première diminution qui doit se montrer ? C’est celle qui porte sur le Centre, car celles qui porteraient sur les deux extrêmes ne seraient que des diminutions apparentes puisqu’elles pourraient toujours être rétablies par la génération du centre sans que ce centre se déplaçât. Or, la diminution qui s’est faite par le centre est comme celle qui se fait par le milieu et même c’est la seule possible, puisque si j’approche d’un arbre et que je veuille lui nuire, de ma hauteur je ne puis le frapper ni dans ses branches qui sont trop élevées, ni dans ses racines que je ne vois pas, et que je ne puis le frapper que dans sa tige ou encore dans son milieu. Mais diviser l’être par le milieu, c’est le diviser en deux parties, c’est faire passer l’entier à la qualité de moitié ou de demi, et c’est là la vraie origine de l’illégitime binaire […]. Cette diminution par le centre n’empêche pas cependant que l’unité ne demeure complète, puisque l’altération ne peut tomber sur elle, mais seulement sur l’être qui la veut attaquer et qui n’en reçoit plus rien que par mesure brisée, au lieu d’en recevoir tout et à mesure pleine. Aussi le mal est-il étranger à l’unité.
Mais, néanmoins, comme il y a quelque chose d’elle, dans l’être diminué, cette diminution a engagé le centre à se mouvoir pour rectifier ce deux et ce demi, et cela sans que le centre soit sorti de son rang puisque l’unité est indivisible, et c’est là le plus sublime des mystères et la source inépuisable des merveilles où l’âme et l’esprit de l’homme peinent éternellement s’abreuver.
Cet exemple est suffisant pour nous montrer la naissance du nombre DEUX, pour nous montrer l’origine du mal, en supposant qu’on se soit bien affermi sur la question de la liberté, (Voir le Traité de l’origine et de L’Esprit des Formes.) et pour nous enseigner en même temps que ce nombre DEUX n’est point une puissance de simple spéculation, puisque nous la visualisons tous, et cela presque à tous les moments de notre existence.
D’ailleurs, on ne peut douter qu’il n’agisse activement dans le SENAIRE des formes qui par elles-mêmes, ne sont qu’une addition passive des deux TERNAIRES, tandis que lui-même, non seulement est la racine de ces deux ternaires, mais qu’il est encore le mobile de leurs mouvements et de leurs sensations par la multiplication de ses propres éléments. Aussi, les sens sont-ils comme insensibles quand il cesse de les habiter, et dès qu’ils deviennent sensibles, on peut être sûr que ¼ ou le carré du nombre altéré s’y trouve aussi. Car c’est une vérité bien certaine, mais bien lamentable, que CINQ et SIX sont et seront jusqu’à la fin du monde dans une mesure d’activité réciproque et proportionnelle.
Que l’homme curieux cherche ici pourquoi ce carré du nombre altéré donne ainsi tant de droits au sénaire et sait cacher la mort active de sa puissance sous le feu de l’illusion de ce sénaire et s’il le découvre, comme je n’en doute pas, il aura acquis une grande lumière ; et s’il veut observer comment le produit de cette fausse racine donne dans la somme un être apparent, CINQ, qui ne peut être que la fausseté et le mensonge, mais que ce produit montre en nature et selon la simple figure arithmétique , la véritable émanation de l’homme et sa très certaine destination, qui est de faire disparaître 5 par sa présence 4, il aura par là une lumière non moins importante. Car l’homme ne peut être réellement qu’un quart de l’unité ; mais c’est assez pour qu’il soit lié par son essence et par son œuvre à l’entier UN.
Il n’y a point de nombres dans la décade dont nous ne puissions ainsi découvrir le caractère en ne les séparant point de l’œuvre particulière à laquelle ils sont unis et de l’objet sur lequel ils reposent, instruction active qui ne peut convenir qu’à ceux qui sont dans la ligne et qui sont entrés dans l’intérieur de l’intelligence. Elle serait perdue pour tous les autres. Mais ce simple exposé suffit pour nous apprendre que la vertu des êtres n’existe pas dans le nombre, mais que c’est le nombre qui existe dans la vertu des êtres et qui en dérive. Je ne pourrai un jour me dispenser de parcourir tous les nombres de cette décade et de montrer comment DEUX devient TROIS par ses miroirs, comment TROIS devient QUATRE par son centre, comment ce QUATRE est faux par son centre double qui fait CINQ, comme CINQ est emprisonné par la mesure de SIX, SEPT, HUIT, NEUF, DIX, qui font le correctif et le rectificatif du mauvais QUINAIRE.
Il ne faut pas nier les immenses avantages que l’esprit et l’intelligence de l’homme peuvent retirer de l’usage des nombres, dès que l’on est parvenu à sentir l’œuvre particulière à laquelle chacun d’eux est uni et l’objet sur lequel ils reposent. Car la marche des propriétés des êtres étant active et ces propriétés ayant entre elles mille rapports croissants et décroissants, la combinaison de ces nombres pris dans la régularité du sens qu’ils portent avec eux d’après la saine observation, doit pouvoir nous diriger dans les spéculations incertaines et même nous rectifier dans des spéculations fausses, attendu qu’il en est alors de ce calcul vrai et spirituel ou de cet algèbre des réalités comme du calcul conventionnel ou de l’algèbre de l’apparence, où les valeurs une fois connues nous conduisent, sans nous égarer, à des résultats précis et positifs. La différence essentielle qu’il faut admettre, c’est que dans le calcul conventionnel les valeurs sont arbitraires et que leurs combinaisons, quoique reposant sur des règles fixes, ne nous font cependant parvenir qu’à des vérités très secondaires, et entièrement étrangères à la vraie lumière dont nous avons tous besoin et que nous cherchons tous, quand même ce serait à contresens ; au lieu que, dans le calcul vrai et spirituel, les nombres reçoivent leur valeur de la nature des choses et non point de la volonté de notre esprit, et qu’indépendamment de ce qu’ils se combinent aussi par des règles fixes comme les valeurs conventionnelles, ils nous amènent à des vérités de premier rang, des vérités positives et invariables, et essentiellement liées à notre être.
La raison en doit paraître bien naturelle : c’est que les nombres ne font alors que nous accompagner et nous diriger dans ces mêmes régions positives, invariables et éternelles, dans lesquelles ils prennent continuellement la naissance, dans lesquelles ils font constamment leur demeure et desquelles ils ne peuvent jamais sortir. Or, ces vérités étant l’infini, on peut juger de ce que les nombres qui y planent peuvent nous faire découvrir de merveilles et de trésors.
Il y a une division du tableau universel reconnue de tous les observateurs dans l’ordre de la vraie philosophie, c’est celle par laquelle on distingue la région divine, la région spirituelle et la région naturelle. Il est reconnu également qu’il y a une correspondance de la région divine aux deux régions spirituelle et naturelle, et que par conséquent les nombres de l’ordre divin doivent avoir leurs représentants et leurs images dans ces deux régions. Mais ceux qui n’ont pas la clef des nombres sont exposés à une bien grande méprise quand ils veulent fixer ou contempler ces correspondances.
La principale cause de leur erreur vient de ce qu’ils se dirigent dans ces spéculations par les lumières de l’arithmétique reçue, ou les nombres se font reconnaître par leurs multiples ou par leurs parties analogues ou similaires, et non point par leurs propriétés, puisque l’arithmétique ne reconnaît à ces nombres d’autres propriétés que les propriétés conventionnelles et dépendantes de la volonté de l’homme.
La seconde erreur est de vouloir renfermer les trois divisions ci-dessus dans trois décades consécutives de façon qu’après TRENTE, nous n’aurions plus besoin des autres nombres.
Enfin la troisième erreur est de vouloir trouver dans la seconde et dans la troisième décade la même série de principes que dans la première, parce qu’on y trouve, en effet le même ordre aux nombres et le même alignement arithmétique.
Pour combattre la première erreur il faut rappeler ici les deux lois différentes de la multiplication et de l’addition, qui, quoiqu’elles s’emploient l’une et l’autre dans le calcul vif, sont bien loin d’avoir le même effet. La première engendre. La seconde fait connaître la nature de la production et le vrai esprit des résultats, tant par rapport à eux-mêmes que par rapport à leur principe radical.
Dans l’arithmétique, au contraire, ces deux lois de multiplication et d’addition, n’ayant point les mêmes usages, ne peuvent produire les mêmes lumières.
En effet, l’arithmétique conservant les produits de ses opérations dans leur grossière nature et ne sachant point en séparer l’ESPRIT d’avec le CAPUT MORTUUM, elle ne cherche rien au delà des multiples similaires.
Aussi pour elle, les produits, les racines, les puissances, tout est de la même nature, c’est-à-dire que rien n’y est distinct et que tout y est confondu, excepté dans la quantité.
Néanmoins, cet inconvénient n’en est point un pour les objets qu’elle se propose et pour la classe des choses sur lesquelles elle opère, parce que, ne s’occupant que des choses apparentes et mortes, elle n’a que des portions à y considérer et aucun ESPRIT à en attendre, et que ces portions mortes qu’elles considère, n’ayant rapport qu’à nos besoins morts, les calculs morts que l’on peut y appliquer se trouvent justes dans leur mesure morte ou relative.
Pour combattre la seconde erreur, ou celle des trois décades contiguës, non seulement on peut répéter ce qui en est déjà dit ci-dessus, savoir qu’après TRENTE nous n’aurions plus besoin d’autres nombres ; mais il faut opposer une bien plus grande difficulté, c’est qu’il n’y aurait aucun commerce entre toutes ces décades, et que Dieu n’aurait aucun commerce avec l’esprit et l’esprit aucun commerce avec la nature.
Car ce n’est point un commerce que celui qui ne serait fondé que sur des nombres similaires, sur des multiples relatifs et sur de simples produits qui n’ont de correspondance avec leurs racines que par la forme, et non pas par les lois de leur génération, c’est-à-dire par leur principe.
Or, ces inconvénients et par conséquent ces erreurs sont impossibles à éviter en renfermant les trois divisions : divine,spirituelle et naturelle, chacune dans une des trois décades contiguës, parce que l’on se réduit par là à la nécessité d’étrangler le nombre au lieu de le laisser s’étendre dans ses développements et par conséquent de n’avoir que la très fausse figure de ce même nombre au lieu d’avoir son véritable fruit qui doit être réellement un autre lui-même, et parcourir activement, quoique sous des couleurs variées, les diverses régions qui lui sont ouvertes.
C’est là que l’on peut puiser le moyen de combattre la troisième erreur, ou celle de vouloir admettre la même série et le même alignement dans les trois divisions, sur ce que cette même série se trouve semblable dans la forme et l’arrangement des nombres dans les trois décades contiguës.
Si la loi des racines composées, qui est d’usage dans l’arithmétique, ne peut s’admettre dans l’ordre de choses que nous observons, la multiplication des racines simples nous donne en récompense une génération de nombres qui d’un seul trait, va renverser tout l’édifice des trois décades contiguës et changer tout l’alignement similaire de leurs nombres respectifs.
En effet, excepté les trois premiers nombres, dont le carré ne sort point de la décade divine, tous les autres en sortent dès l’instant qu’on les élève à leur première puissance ou à leur carré.
Et où vont-ils par cette opération ? Un seul va dans la décade nommée spirituelle. Cinq autres vont dans les décades suivantes et ultérieures et encore se trouve-t-il trois décades où n’aboutit aucun de ces cinq nombres, telles que la sixième, la huitième et la dixième ; observations susceptibles d’un important examen et qui peuvent procurer de vastes lumières.
Il faut remarquer toutefois que ce n’est que pour nous conformer au langage reçu que nous appelons première puissance ou carré l’opération dont il s’agit ; car parmi les premiers nombres qui restent par cette opération dans la décade divine, il en est un auquel cette opération ne peut convenir (et ce nombre est DEUX), et tout ce qu’on peut en dire ici, c’est que c’est par cette opération fausse que l’esprit pervers a trompé l’homme.
Si, par cette révélation à leur première puissance, nous trouvons déjà dans les nombres une marche si différente de celle que nous offrent les trois décades contiguës, cette marche ne va-t-elle pas encore éprouver de bien plus grand changements lorsque nous élèverons ces nombres à leur cube, qui est le terme parfait de tout nombre ?
Cette différence se fera aisément sentir ; car, par cette opération cubique ou élévation à la seconde puissance il n’y aura plus que deux nombres qui resteront dans la décade divine (encore l’un d’eux n’y restera-t-il que par les lois abusives de l’arithmétique), et de même que c’est par le carré de ce nombre que l’être pervers a trompé l’homme, c’est par le cube de ce même nombre que le mensonge à peuplé, peuple et peuplera le monde de faux christs.
Quant aux autres nombres que l’on doit soumettre à la même opération, aucun ne se trouve prendre place dans la décade spirituelle contiguë ; un autre passe tout de suite de la décade divine dans la décade naturelle ; un autre à la septième décade ; le suivant sort même de la décade dixième ou centenaire, et tous les autres s’éloignent encore plus des trois décades contiguës et laissent entre eux des espaces si grands, si variés, que leur rang ne conserve plus aucun rapport avec celui qu’ils ont, par les lois arithmétiques, dans ces même décades contiguës.
Et même quand on est frappé de la correspondance des rangs des nombres dans les trois décades contiguës, on n’a pas fait attention que ce rang se rabaisse toujours d’un degré, en raison directe de la quantité des décades que l’on voudra parcourir : vérité profonde qui nous enseigne visiblement pourquoi tous les mouvements spirituels et temporels sont circulaires et pourquoi tout ce qui existe n’est composé que d’autant de roues qui tournent sans cesse autour de leur centre et qui ne tendent qu’à s’en rapprocher.
Ceux qui ont percé dans la carrière des nombres pourront admirer ici avec quelle sagesse lumineuse la Providence étale devant nous ses trésors et nous montre comment elle fait parvenir ses puissances dans les diverses régions.
Ils reconnaîtront que les nombres sont fixes eux-mêmes et finis dans leurs facultés radicales, quoiqu’ils soient infinis dans le jeu de leur puissance et dans les émanations innombrables qui peuvent sortir et sortiront éternellement de ces facultés radicales.
Ils reconnaîtront que l’unité est le seul nombre qui, non seulement ne sorte point de la décade divine ni par son carré, ni par son cube, mais même qui ne sorte point de son propre secret, de son propre centre, et qui concentre en soi toutes ses opérations.
Ils reconnaîtront que quand cet être UN se transporte, soit dans la région divine, soit dans la région spirituelle, dans la région naturelle, il s’y transporte par ses propres facultés radicales et par les émanations qui leurs sont correspondantes : mais que les plans et les propriétés qu’il manifeste par-là sont au-dessus des notions matérielles de l’arithmétique et n’en peuvent conserver le sens grossier et monotone.
Ils reconnaîtront que par le moyen de ces facultés radicales et des émanations qui leurs sont correspondantes, cet être UN porte sa vie et son esprit dans les trois régions, et que, dès lors, ils peuvent considérer spirituellement ces trois régions comme un grand arbre dont la racine reste toujours cachée dans la région divine comme dans sa terre maternelle, dont le tronc ou le corps se manifeste dans la région spirituelle par le carré et dont les branches, les fleurs et les fruits se manifestent dans la région naturelle par l’opération du cube.
Ils reconnaîtront par-là quel est le commerce et l’union active qui doit régner entre ces trois régions ou entre ces trois mondes, puisqu’ils ont une racine commune et puisqu’il y a des carrés spirituels qui s’étendent jusque dans la région naturel et des cubes naturels qui s’accomplissent dans la région spirituelle, tandis que l’unité divine, comme la sève qui produit tout et qui remplit tout, opère en même temps et de concert avec les régions spirituelles et naturelles, en ce qu’elle y influe sans cesse invisiblement par sa propre racine, par son propre carré et par son propre cube, pour y vivifier les cubes, les carrés et les racines de tous les autres nombres et les y faire opérer à leur tour, chacun selon leurs propriétés et leurs VERTUS.
Ils reconnaîtront que quoique l’être UN ne se transporte pas lui-même dans toutes ces régions, c’est cependant par l’influence de sa racine, de son carré et de son cube, que tous ses ouvrages et toutes ses productions spirituelles et naturelles paraissent complètes et revêtues toutes de ce caractère si expressif de l’unité, qui nous montre partout notre Dieu, et partout le concours harmonique de toutes ses facultés et de toutes ses puissances.
Parmi ces merveilles que la carrière des nombres peut offrir à ceux qui y marchent avec précaution et pour ainsi dire, en silence non seulement nous apprenons à admirer les riches magnificences de notre Dieu, mais nous apprenons aussi à discerner ce qu’il nous est permis de connaître d’avec ce qui sera à jamais interdit à notre pénétration et dérobé à nos lumières.
Ce qui sera à jamais interdit à notre pénétration et dérobé à notre lumière, c’est la science du mode de notre émanation ou de notre génération dans l’unité divine.
Ce voile est posé sur nos yeux parce que l’œuvre de notre émanation étant réservée uniquement à ce suprême principe que nous avons le bonheur de pouvoir appeler NOTRE PERE, la connaissance du mode de cette œuvre, doit lui être réservée aussi, sans quoi, si nous avions comme lui cette connaissance nous n’aurions pas eu besoin de lui pour exister, nous aurions pu opérer la même œuvre, ou la même émanation que lui, et nous serions Dieu comme lui. (L’ordre des générations matérielles ne doit pas être compté ici pour quelque chose, puisqu’il est circulaire comme tout ce qui est créé et sorti du centre universel ; car étant circulaire, il est naturel que ses divers fruits s’élèvent lorsque ses germes descendent et que, se rencontrant leurs cours au même point de la roue, toutes les connaissances de leur ordre leur deviennent nécessairement communes).
En outre, c’est au moyen de ce voile posé sur nos yeux que le souverain principe de notre être devient un éternel objet de nos hommages et a des droits réels à notre vénération ; car, indépendamment de cette faveur insigne qu’il nous a faite de pouvoir, par notre existence, sentir sa propre vie divine, nous sommes forcés de reconnaître supériorité sur nous par cette propre existence qu’il nous a donnée et par l’évidente impossibilité où nous sommes de pénétrer dans son secret sur ce point important.
Joignons à cela l’espérance ou plutôt la certitude d’augmenter éternellement les félicités dont il nous a rendus susceptibles en nous donnant l’être, si nous savons nous tenir devant lui dans l’humble soumission qui est due au saint et universel dominateur de toutes choses.
Nous aurons dans le sentiment de notre noble origine, dans notre profonde ignorance du mode de notre émanation, et dans notre véritable intérêt spirituel, tous les motifs qui nous sont nécessaires pour honorer notre divin principe, pour trembler devant sa redoutable personne et pour aimer ardemment les biens inépuisables qu’il ne demande pas mieux que de verser abondamment dans nos âmes ; car ce sont là les conditions fondamentales qui constituent véritablement le serviteur religieux fidèle à son maître. »