Par Michel Armengaud ♦
Extrait de Le Temps, oeuvre collégiale, Diffusion Rosicrucienne, collection Université Rose-Croix Internationale.
INTRODUCTION : L’ÈRE CHRÉTIENNE
« Les premiers chrétiens ont adopté le calendrier romain, dont le système de datation prenait pour origine la fondation de Rome (754 avant J.-C.). Ils utilisèrent le système des calendes, des nones et des ides, où les dates étaient définies par rapport aux années de règne des consuls. Au milieu du VIe siècle, le moine scythe Denys le Petit a situé l’année de la naissance de Jésus en l’an 754 de Rome. Cette nouvelle référence s’est généralisée au Xe siècle, pour finalement s’imposer au monde entier. On estime aujourd’hui que Denys le Petit aurait commis une erreur de quelques années : la nativité de Jésus daterait de l’an 749 de Rome.
C’est sur cette trame païenne que le christianisme a construit un calendrier liturgique. En effet, après avoir sacralisé l’espace, l’homme a voulu sacraliser le temps par l’adoption d’un calendrier qui donne une représentation cyclique, alors que le temps profane s’écoule suivant une chronologie linéaire. Si la vision cyclique est naturelle pour les Orientaux qui sont familiers du cycle incessant des incarnations, elle peut paraître paradoxale pour les chrétiens qui ont une vision eschatologique du temps.
Les calendriers solaires suivent le mouvement apparent du soleil autour de la terre. Ainsi les équinoxes et solstices se produisent aux même dates.
Les calendriers lunaires suivent le mouvement apparent de la lune autour de la terre. Les mois se calent sur les phases de la lune. L’islam a opté pour un calendrier strictement lunaire.
Le judaïsme observe un calendrier lunaire, mais il y apporte une correction afin de se recaler périodiquement sur l’équinoxe de printemps.
Le calendrier chrétien observe deux cycles :
– Le temporal, relatif aux grandes fêtes liturgiques : Noël, Pâques, Pentecôte… ;
– Le sanctoral, qui célèbre les fêtes mariales, les fêtes des anges, des apôtres, des martyrs, des confesseurs et des saints.
Le calendrier des Églises réformées a abandonné le sanctoral, qui a cependant été conservé dans nos agendas profanes.
Le calendrier chrétien est solaire en ce qui concerne les fêtes fixes, mais il présente aussi un aspect lunaire pour les fêtes mobiles. Il est soli-lunaire. Noël est le pôle des fêtes fixes (solaires) et Pâques est le pôle des fêtes mobiles (soli-lunaires). Tous les courants chrétiens n’ont pas réussi à s’accorder sur un calendrier unique. Par exemple, les orthodoxes slaves n’ont pas suivi la réforme grégorienne. Dans le cadre de ce chapitre, nous nous référerons au calendrier usuel, qui est celui de l’Église catholique. Ces dernières décennies, certaines fêtes ont été déplacées, comme l’Épiphanie qui n’est plus célébrée le 6 janvier, mais le premier dimanche de l’année. Nous avons conservé ici les dates traditionnelles qui permettent de retrouver l’organisation symbolique du calendrier liturgique. Le site Internet www.newadvent.org présente une bonne source d’informations.
1 – LES FÊTES FIXES (SOLAIRES)
En 45 avant Jésus-Christ, Jules César fait adopter le calendrier qui porte son nom : le calendrier julien, calculé par Sosygène, astronome alexandrin. Il était construit sur l’hypothèse d’une année moyenne de 365,25 jours, ce qui introduisait une erreur d’environ onze minutes par an. Cette erreur produisit un glissement sensible de la date de l’équinoxe de printemps, qui était passée du 20/21 mars au moment du concile de Nicée, au 10/11 mars au XVIe siècle.
C’est en 1582 que le pape Grégoire XIII introduit sa réforme pour corriger ce retard, qui atteignait alors une dizaine de jours. Le lendemain du jeudi 4 octobre (julien) fut le vendredi 15 octobre (grégorien). La réforme fut appliquée en France en décembre 1582 : le lundi 20 succéda au dimanche 9. Il fallait aussi introduire une petite correction pour compenser ce décalage. Le principe des années bissextiles était maintenu (années multiples de quatre), sauf pour les années séculaires dont le millésime est multiple de 100 sans l’être de 400. C’est pourquoi l’an 2000 était bissextile, mais pas l’an 1900. Pour une information complète sur ce sujet, le lecteur peut consulter le Bureau des longitudes sur son serveur Minitel : 3616BDL ou sur son site Internet : www.bdl.fr/Grandpub/calendriers.html.
Les fêtes fixes
Ces fêtes sont célébrées toujours à la même date.
Elles regroupent toutes les fêtes du sanctoral :
– Fêtes des anges,
– Fêtes mariales : nativité de la Vierge le 8 septembre,
présentation au Temple le 21 novembre, Immaculée
Conception le 8 décembre…,
– Fêtes des apôtres,
– Fêtes des martyrs,
– Fêtes des confesseurs,
– Fêtes des saints.
Et les fêtes du temporal indépendantes de Pâques,
dont :
– Noël le 25 décembre,
– L’Épiphanie le 6 janvier,
– La Chandeleur le 2 février,
– L’Annonciation le 25 mars,
– La Visitation le 31 mai,
– La Transfiguration le 6 août,
– L’Assomption le 15 août,
– La Toussaint le 1er novembre.
2 – LES FÊTES MOBILES (SOLI-LUNAIRES)
Les fêtes mobiles s’organisent autour de Pâques.
Nous commencerons par préciser la détermination de la date de Pâques, puis nous verrons comment se situent les principales fêtes mobiles à partir de cette référence.
Détermination de la fête de Pâques
À la demande de l’empereur Constantin, le concile de Nicée (325) a décidé que la fête de Pâques serait célébrée le dimanche qui suit la première pleine lune de printemps.
En d’autres termes, il faut attendre l’équinoxe de printemps, puis la première pleine lune, puis le dimanche suivant.
Pour la tradition chrétienne, c’est une façon d’associer la symbolique annuelle soli-lunaire (première pleine lune de printemps) et la symbolique hebdomadaire, qui fait du dimanche le jour de la résurrection du Christ.
La fête de Pâques peut se déplacer du 22 mars au 25 avril, donc dans une période de 34 jours (35 inclus).
Les fêtes mobiles
Le tableau suivant permet de situer les principales fêtes mobiles par rapport au dimanche de Pâques. La figure 9 permet de visualiser l’organisation des fêtes mobiles dans les deux cas extrêmes.
La première fête mobile importante est Mardi gras, qui peut être célébré entre le 3 février et le 9 mars. La dernière fête mobile est la Fête-Dieu, qui peut glisser du 21 mai au 24 juin. Les dates extrêmes des possibilités de fêtes mobiles sont le 3 février, saint Blaise (lendemain de la
Chandeleur), et le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste.
La période englobant toutes les possibilités de fêtes mobiles s’étend sur une durée de 142 jours. Il reste 223 jours où aucune fête mobile n’est célébrée. Or, le rapport 365/223 est très proche du nombre d’or.
La Fête-Dieu est maintenant célébrée un dimanche ; mais traditionnellement, c’était un jeudi, jour de Jupiter. Le nombre de jours de Mardi gras à la Fête-Dieu était alors de 108, nombre symbolique dans plusieurs traditions.
La colonne de gauche sert de référence pour la période allant de février à juin inclus. Nous y observons trois repères :
– Le 2 février, jour de la Chandeleur,
– Le 21 mars, jour de l’équinoxe de printemps,
– Le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste.
Les deux autres colonnes nous présentent la répartition des principales fêtes mobiles, dans les deux cas extrêmes.
3 – DU TEMPS SOLAIRE AU TEMPS LUNAIRE
Le temps de Carnaval [9]
Nous avons vu que les fêtes mobiles se répartissent sur une plage mobile par rapport aux fêtes fixes du calendrier solaire. La première fête mobile importante est le Mardi gras, qui peut être célébré au plus tôt le 3 février, lendemain de la Chandeleur. Mais Mardi gras, c’est la clôture du temps de Carnaval, marquée par le sacrifice du roi de la fête, jeté à l’eau ou brûlé. Symboliquement, c’est le sacrifice du vieil homme, pour se préparer à revêtir l’homme nouveau. L’articulation entre fêtes mobiles et fêtes fixes correspond donc à cette période de Carnaval comprise entre la Chandeleur et Mardi gras, intervalle de temps variable d’une année sur l’autre, compris entre un et trente-quatre jours. Malheureusement, ce temps traditionnel n’est pas respecté par les organisateurs des fêtes modernes de Carnaval, où le profane a occulté le sacré, où seul le profit dicte sa loi.
[9]. ARMENGAUD (Michel), « Carnaval, le temps de la re-création », revueRose-Croix, n° 209, 2004.
Parmi les étymologies de cette fête, nous trouvons carne levanem ou carne levare, allusion à cette période ou l’on ôte la chair, où l’on consomme une dernière fois de la cuisine grasse avant d’entrer en quadragésime. Le lendemain, c’est le mercredi des Cendres, qui marque le début du carême, 46 jours avant Pâques. Pourquoi 46 jours, alors que la durée du jeûne est traditionnellement de 40 jours ? Tout simplement parce que lorsqu’il était observé, le jeûne était levé le dimanche (jour de la Résurrection), or il y a six dimanches entre le mercredi des Cendres et Pâques. Nous observerons aussi que Mardi gras est toujours en nouvelle lune et Pâques en pleine lune. Cette observation nous conduit à parler de la période de 40 jours, qui marque de son empreinte notre calendrier. »
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