Par Éliane Bruyère ♦
Extrait de la revue Pantacle 2009.
« Le Temple de Jérusalem, dans l’histoire du judaïsme, a connu trois étapes : le Temple de Salomon, le Temple d’Ezra, et la restauration d’Hérode.
Avant le Temple, le peuple sacrifiait sur les hauts lieux, à défaut de maison sacrée. L’Arche d’Alliance résidait dans la tente. Les prémices du projet de construction du Temple se situent à l’époque du roi David. Hiram, roi de Tyr en Phénicie, avait de tout temps été l’ami du roi David (1 Rois 5-15). À sa mort, son fils Salomon informe Hiram de son projet d’édifier une maison en l’honneur de l’Éternel (1 Rois 5-19), selon ce qu’a dit l’Éternel au roi David : « Ton fils que je te donnerai pour successeur au trône, c’est lui qui bâtira la maison en mon honneur. » Salomon et Hiram vivaient en paix, et ils conclurent une alliance, 480 ans après le départ d’Égypte.
L’édification de ce premier temple au Xe siècle av. J.-C. dura environ de –1019 à –1005. Il fut construit selon la symbolique égyptienne. L’entrée à l’Est était suivie d’un vestibule, puis d’une partie sacrée ; enfin à l’Ouest, était aménagé le Débir, le Saint des Saints, lieu où réside l’Arche d’Alliance, lieu de la Parole, de la Shekhînâh. De l’Est à l’Ouest, il y avait donc trois parties avec abaissement progressif des plafonds.
Dans le premier livre des Rois (1 R 6,11), « l’Éternel parla ainsi à Salomon : cette maison que tu édifies, j’y résiderai, si tu te conformes à mes lois, si tu obéis à mes statuts, si tu as soin d’observer et de suivre tous mes commandements. »
En 1 R 7,13, le roi Salomon fit venir un artisan de Tyr ; il s’appelait Hiram, fils d’une veuve de la tribu de Naphtali. Cet homme possédait sagesse, discernement et connaissance ; il supervisa tous les ouvrages du roi Salomon, aidé des artisans phéniciens ; aussi son œuvre présentait-elle des similitudes avec d’autres ouvrages cananéens et phéniciens. Il façonna les deux colonnes de bronze, de chaque côté de l’entrée, symboles des deux colonnes de l’Arbre de Vie, énergies verticalisantes qui permettent de franchir un passage : à droite au Nord, Yâkhîm, l’établissement, le stable ; à gauche, au sud, Boaz, la force, la volonté, la constance ; deux points d’appui par lesquels l’homme peut progresser. Le Temple était construit de blocs de pierres rectangulaires, taillées sur le lieu d’extraction, « en sorte qu’on n’entendit durant la construction du Temple, aucun bruit de marteau, de hache ou d’un autre instrument de feu » (1 R 6,7).
On pense que ce Temple fut construit dans la partie Est de l’actuelle vieille ville de Jérusalem. La partie la plus haute du rocher, aujourd’hui couverte par le dôme du Rocher peut avoir été le Sanctuaire intérieur. Le temple unifie le peuple, il affirme un pouvoir politique, il donne un sens, une fonction au judaïsme et au pouvoir royal. Il affirme un pouvoir social, il lie le peuple autour de repères, il stabilise. Il affirme un pouvoir religieux, il témoigne, conserve l’histoire du peuple et assure la pérennité du judaïsme. Le Temple terminé, le roi Salomon convoqua les anciens d’Israël, tous les chefs de tribus et chefs de familles des enfants d’Israël, pour procéder au transfert de l’Arche d’Alliance, depuis la cité de David, qui est Sion, et la déposer dans le Temple, sur le Mont Moria. Lorsque les prêtres sortirent du Lieu saint, une nuée s’étendit dans la maison du Seigneur. Dans le Temple, par la consécration, l’Arche d’Alliance fut « réactualisée ».
Après la mort de Salomon, des envahisseurs s’emparèrent des trésors que le roi avait entreposés dans le Temple (1 R 14,26) et les rois de Juda les utilisèrent pour acheter le pouvoir politique ou la paix (1 R 15,18) (2 R 16,8). Vers 640 av. J.-C., le roi Josias dut entreprendre de grands travaux de restauration (2 R 22,4).
En 587 av. J.-C., le Temple de Salomon fut pillé et détruit par l’envahisseur babylonien, Nabuchodonosor (2, R 25,9). L’élite judéenne fut exilée à Babylone. En 538 av. J.-C., après la chute de Babylone, conquise par les Perses, le roi Cyrus le Grand décida par un édit de rendre aux Judéens les objets du Temple, et de faire « monter » les déportés de Babylone à Jérusalem. La volonté du roi Cyrus le Grand était la reconstruction de la demeure de Dieu à Jérusalem. Les chefs des familles de Juda et de Benjamin, les prêtres et les Lévites reçurent des trésors pour leur retour à Jérusalem (Ezra 1,6). Dans l’année de leur retour (Ezra 3,8) en – 537, près du Temple à Jérusalem, ceux qui étaient revenus de captivité se mirent à l’oeuvre pour reconstruire le Temple de Dieu. Mais « Le Peuple du Pays », probablement les Samaritains (colons assyriens), s’opposa à cette reconstruction, et les travaux furent suspendus. C’est sous Darius Ier, roi de Perse (– 522 à – 426) que la maison de Dieu fut rebâtie au même lieu. Le second Temple fut terminé en – 516, sous le roi Zorobabel, mais il ne fonctionna réellement qu’avec le prêtre Ezra, revenu à Jérusalem avec un troisième groupe d’exilés. Celui-ci se mit à légiférer selon la loi de Moïse. Il sauva le judaïsme de la « mollesse » et imposa des mesures draconiennes de vertus religieuses et de vie sociale.
C’est ce Temple qui fut embelli par le roi Hérode le Grand, établi sur le trône de Judée par les Romains, vers l’an 20 av. J.-C. Le romain Flavius Joseph raconte que le Temple était recouvert de plaques d’or massif ; dès le lever du soleil, il brillait d’un tel éclat qu’on était obligé de détourner les yeux. Partout où il n’était pas recouvert d’or, les maîtres-maçons l’avaient rendu d’une blancheur éclatante. L’intérieur aussi était revêtu d’or.
Le 10 août 70 ap. J.-C., après un long siège par l’armée romaine, commandée par le général Titus Flavius Vespasianus, fils de l’empereur Vespasien, le Temple fut à nouveau détruit, pillé, incendié, les prêtres tués. Le trésor du Temple, emmené à Rome, servit à construire le Colisée et l’Arc de Titus, sur lequel on peut voir les sculptures du retour victorieux de Judée, et des objets sacrés.
Depuis la grande destruction de 70, du Temple ne demeurait debout qu’une partie de ses murs de soubassement et les voûtes construites pour les soutenir. Constitué de blocs de pierre énormes, ce mur, érigé par le roi Hérode, formait la base des murs extérieurs qui soutenaient le remblaiement des vallées bordant l’étroite colline, sur une longueur de 20 mètres.
Aujourd’hui, le judaïsme vénère ce mur, appelé « mur des Lamentations », tel un joyau, seul témoin de la Maison sacrée de Dieu. Ce mur est comme un cordon ombilical qui relie le judaïsme à son histoire sainte, mais également à l’histoire d’un peuple ; il en est la continuité et lui donne sa respiration. Ce mur signifie la Thôrâh. L’histoire du judaïsme y est inscrite. Il devient la réalité de l’histoire enseignée dans le livre. Lui-même devient un livre.
Le Temple est la maison du sacré, le lieu de la présence divine, la Shekhînâh, le centre du monde. Il révèle la permanence dans un monde marqué par l’éphémère. Il est le lieu de rassemblement de tous les fils de Dieu, en une commune prière, dont la puissance vibratoire s’allie à celle du haut Lieu. Une force occulte manifeste le mystère de Dieu avec l’homme et de l’homme avec Dieu. Hors des murs, la vie profane cache en son sein la lumière spirituelle du monde, le sacré devient l’Océan créateur de vie. »