Par Josselyne Chourry ♦
Extrait du livre Qabbale et corps humain, Diffusion Rosicrucienne, 2017.
Comment définir la maladie ?
« Tout étant énergie et vibrations, on peut considérer que la maladie apparaît lorsqu’il y a un obstacle à la circulation de l’énergie vitale. D’un point de vue spirituel (en dehors de tout jugement), on pourrait dire qu’il y a maladie lorsqu’il y a quasi-incapacité (temporaire ou chronique, en dehors toutefois des maladies dites karmiques) à recevoir les vibrations divines. Toute médecine énergétique est formelle en ce sens : un malade, quelle que soit sa maladie, est un être qui se heurte à un blocage ou à une obstruction. La qabbale parle des TSiNoRoTH, « canaux » qui relient l’homme et l’infini.
« La maladie est, dans son essence, le résultat d’un conflit entre l’âme et l’esprit, et ne sera jamais extirpée sans un effort spirituel et mental… La souffrance est un correctif qui met en lumière la leçon que nous n’aurions pas comprise par d’autres moyens et elle ne peut jamais être éliminée tant que cette leçon n’a pas été apprise. »
Dr Edward Bach, La Guérison par les fleurs
Toujours à propos de la maladie, Mère, la compagne de Sri Aurobindo, la décrit comme « quelque chose en soi qui s’accroche, qui a peur, et qui tient à son mensonge ». À l’instar des qabbalistes, elle voit dans la souffrance un jeu d’adaptation à de nouvelles vibrations, ou bien encore le recours obstiné à une manière de fonctionnement récurrent, une sorte d’habitudes fonctionnelles programmées dans nos cellules. Pour Mère, la maladie « est toujours une rechute dans l’inconscience par incapacité de soutenir le mouvement de transformation ».
Vu sous cet angle, les maladies sont des transitions à la transformation qui s’expriment par une concentration de douleurs en certaines parties du corps. Nous verrons en abordant le schéma corporel que chaque organe et chaque membre symbolisent un aspect particulier de notre géographie interne. D’ailleurs, le Zohar ne manque pas de souligner l’importance des facteurs émotionnels comme responsables de nombreux maux. En outre, il insiste sur l’hygiène de vie, sur les « esprits » (les bactéries) qui traînent autour des eaux stagnantes, des chairs en putréfaction et des matières fécales. Le Zohar contient aussi des références aux propriétés curatives de certaines plantes. Selon les sages du Talmud Rabbi Yehoshouah et Rabbi Akiba, « les plantes et les médicaments sont l’engrais et le médecin en est le cultivateur ».
Talmudistes et qabbalistes ont toujours respecté « le royaume sacré du corps » en l’intégrant dans une totalité, et l’aspect psychosomatique d’une maladie n’est pas oublié. La voie mystique juive a depuis longtemps traité des afflictions humaines et développé l’idée que la santé n’est pas l’absence de maladie mais la caractéristique d’un état d’être positif.
Les sages ont attesté qu’il existe un chemin unique et original pour chacun. Le Baal Shem Tov disait qu’« il n’existe pas deux personnes douées des mêmes capacités », ainsi le chemin de la transformation est différent pour chacun d’entre nous. Nos panacées sont personnelles, nos palliatifs et nos « béquilles » ne sont pas identiques, même si certaines personnes souffrent d’une même maladie, ou vibrent sur une même démarche religieuse ou ont une même philosophie de vie.
« Chaque personne née en ce monde représente quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’existait pas auparavant, quelque chose d’original et d’unique… La toute première tâche de chaque homme est l’actualisation de ses possibilités uniques, sans précédent et jamais renouvelées, et non pas la répétition de quelque chose qu’un autre, fut-ce le plus grand de tous, aurait déjà accompli. »
Martin Buber
C’est cette même idée qu’exprimait Rabbi Zousya : « Dans l’autre monde, on ne me demandera pas : Pourquoi n’as-tu pas été Moïse ? On me demandera : Pourquoi n’as-tu pas été Zousya ? » C’est l’importance de l’être qui est ici mise en valeur, la réalisation et non l’imitation, l’esprit d’initiative et non la servilité, le sens des responsabilités et non le laxisme et la lâcheté. Le qabbaliste n’est pas un être « formaté » ; à travers ses propres expériences, il trouve une cohérence aux actes de son existence et met une conscience dans la manifestation triangulaire de son quotidien de pensées, de paroles et d’actions. Il essaie de ne pas « manquer la cible ».
La santé est un dynamisme quotidien qui ne se maintient que dans le mouvement et l’évolution
La douleur est celle d’un nouvel enfantement, celle d’un passage d’un lieu à un autre, l’appréhension d’un mode de fonctionnement à un nouveau mode inconnu.
Ké’eV = « douleur, souffrance »
La douleur nous invite à la transformation si nous en faisons une alliée plutôt qu’une ennemie, si nous l’écoutons en qabbaliste qui relie les mots (maux) à leur racine commune. Alors elle devient, par la magie des lettres KaPH-‘aLePH-VeTH :
Ka’aV = « comme un père »
(qui nous protège, nous soigne, nous alerte du danger)
Toute guérison passe par une modification des schémas mentaux du malade, elle implique une remise en question au niveau existentiel et surtout au niveau de la conscience. Ce travail passe par la parole issue du Verbe.
« La parole libère l’homme des pires tenailles. »
Rabbi Nahman de Braslav
La terapeia grecque, comme la THeRouPHaH hébraïque, a un sens plus profond que leur définition commune. Se contenter de soigner une maladie en ne considérant que ses effets est un leurre qui enferme le malade dans son mensonge. Avoir la prétention de soigner un mal sans sonder ses racines, sa ou ses causes, c’est refuser au malade la possibilité de se prendre en charge. La tradition qabbaliste insiste sur la mise en avant du sens de la responsabilisation de tout être par la conscientisation de ses maux par les mots.
MaHaLaH = « maladie »
La racine de ce mot est :
MaHaL = « pardonner, se pardonner »
Qu’avons-nous à pardonner ou à nous pardonner ?
Est-ce à dire que nous sommes malades à cause d’une rancoeur ou d’une colère inconsciente ou différée ? Quelle est la cause de notre renoncement ou de notre abdication dans la douleur ? Dans ce cas, toute maladie serait une sorte de souillure (sans rapport avec la notion de mal) ou d’enfermement.
HaLaH = « souillure »
Toute maladie serait donc un lieu clos à élargir pour retrouver son espace vital. D’ailleurs, le mot MaHiLaH (« espace vital ») a exactement les mêmes lettres que MaHaLaH (« maladie »). Ce mot n’apparaît qu’avec Jacob dans le livre de l’Exode (chapitre 21, verset 19).
La maladie est un espace vital perdu
Mais la langue hébraïque nous apprend que toute maladie contient sa propre guérison, car en prenant à nouveau les mêmes lettres et en les permutant, on obtient le mot
HaHLaMaH = « guérison »
La racine de ce mot est :
HaLaM = « être sain »
Il est dit dans le Talmud que Dieu a créé la guérison avant la maladie.
« La souffrance n’est qu’une alternative de notre liberté. »
Adin Steinsaltz
L’univers entier agit comme un organisme régulateur et notre corps n’échappe pas à cette loi où rien ne se perd. Quand un membre ne répond pas à sa fonction, le besoin cosmique le contraint à sa spécificité ou le détruit. L’anarchisme (du grec anarkhia = « absence de règles, de lois, de commandements ») est un chaos au sein des archétypes (du grec arkhetupos = « modèle primitif »), un monde incohérent qui n’a plus de SHaM (« sens ») ni de SHeM (« Nom », pour désigner Dieu) ; c’est-à-dire un monde du non-sens qui a perdu ses schémas. Un monde qui, par extension, refuse l’archétype divin est un monde MaBouL = « déluge ». Le cancer est une maladie qui explicite le mieux ce phénomène. On parle alors de discordance cellulaire, certaines cellules n’ayant plus la conscience de leur rôle spécifique dans l’organisme. Normalement, chaque organe est censé posséder sa conscience globale, elle-même composée de l’union des consciences cellulaires qui sont en lui.
Une maladie apparaît donc comme un petit maboul, un « mal à dire » qui fait des noeuds coulants. Avec l’aide d’un thérapeute, il va falloir dénouer les noeuds et les obstacles.
QeSHeR = « noeud »
En inversant les lettres, on obtient :
SHeQeR = « mensonge »
Notons qu’en anglais, shake up signifie « grande réorganisation » (de to shake = « secouer »). Étrange assonance avec le bilan médical ou checkup (de to check =« contrôler, vérifier ») ! Pour guérir, il faut secouer la pelote de noeuds tissée de nos mensonges, afin de contrôler et remettre en route la libre circulation de
SHePHaH = « influx vital »
Et en inversant les lettres, on obtient :
PeSHaH = « faute, prévarication »
Parfois, nous n’arrivons plus à dénouer les nœuds empilés comme des strates, alors une maladie chronique peut s’installer. Nous barbotons alors dans les déchets de notre inconscient. Les barrières et les blocages sont SHaTaN (sens du mot Satan, qui personnifie notre résistance à l’être), il faut donc dissoudre ces noeuds ! […] »